Critique Manga Somnia - Les faiseurs de rêves

Rencontre avec les artisans du rêve

Création originale pour Panini Manga, Somnia - Les faiseurs de rêves est un titre onirique et envoutant concocté par deux autrices italiennes : Liza E.Anzen au scénario et Federica Di Meo ( Lapins crétins : Luminous quest , Oneira...) au dessin.

C'est une création dense et complexe qu'est Somnia avec ce premier tome de 300 pages qui nous convie aux côtés d'artisans spécialisés dans la création d'objets bien précis appelés des somnia et qui ont pour particularité de réaliser les rêves de leurs propriétaires... Nous entamons ce début de série avec quelques nouvelles têtes qui viennent d'arriver dans cette guilde d'artisans appelée très justement la Guilde des Créateurs et parmi elles, nous rencontrons Myra, une fille privée d'émotions qui cherche à comprendre la signification des rêves et plus spécialement celle du désir qui les anime...

Entre magie, philosophie, poésie et tout simplement culte du rêve, Somnia nous entraîne dans un monde  étrange, varié et généreux , une intrigue complexe où chaque partie est focalisée sur un rêve différent et dans un cadre différent tout en apportant quelques informations sur cette mystérieuse Guilde des Créateurs ainsi que l'évolution de ses chers membres. Somnia ne nous tient par la main et tel Alice au pays des merveilles, on plonge dans ce titre de fantasy onirique avec un génial sentiment d'égarement.

Je précise que Somnia n'est pas un manga facile , ce n'est pas un titre qui va vous tenir par la main et développer une intrigue toute simple... De par sa densité, ses nombreux personnages et dialogues associés à un important travail au niveau du dessin et du découpage,  cette création originale nécessite un peu d'investissement de la part du lecteur, un rythme un peu lent ponctué de quelques longueurs et langueurs qui peuvent ralentir votre plaisir de lecture. Pourtant, Somnia est tout simplement une expérience remarquable qui vous donne envie de retrouver dès la fin de la lecture ces nombreux artisans du rêves. Et pour une création originale, c'est quand même un gage de qualité.

Alors, Somnia n'évite pas la somnolence par moments. On regrettera quelques petites lourdeurs dans un scénario totalement chargé et remplie de personnages mais pour un manga de près de 300 pages, on ne peut que saluer la qualité du travail fourni par nos mangakas italienne qui nous entraine dans un univers original qui emprunte aussi bien à du fantastique légèrement absurde matinée de steampunk scientifique, à une romance shojo plus traditionnelle, à des thématiques plus philosophiques et existentielles comme le rapport aux rêves ou l'utilité d'en avoir...

En clair, c'est un titre qui interroge même son onirisme à travers le portrait de ces créateurs de rêves, tous des artisans aux personnalités différentes à commencer par notre mystérieuse héroine Myra Rever qui, comble de l'ironie, devient une créatrice de rêve, d'émotions alors qu'elle-même en semble dépourvu ou encore Chloée Weiss, la mécanicienne pour qui tout a une explication rationnelle... Le volume avance et nous découvrons une ribambelle de personnages charismatiques qui viennent progressivement enrichir l'univers de Somnia que ce soit du côté des créateurs de rêves comme du côté des rêveurs. De plus, chaque rêveur rencontre donne lieu à un cadre différent. Le premier rêveur nous emmène dans une petite ville portuaire au côté d'un jeune homme dont le rêve serait de découvrir l'âme de la mer tandis qu'un autre chapitre nous fera côtoyer les arts du cirque et de l'illusion dans une valse étourdissante autour de la magie...  Somnia est un titre généreux qui multiplie les environnements et les personnages tout en gardant quand même un fil conducteur autour de Myra, ses partenaires ainsi que les Somnia dont on découvre les secrets. 

Fort heureusement, la scénariste Liza E.Anzen ne nous laisse pas au bord de la route et entre deux missions de créations nous apporte quelques précisions sur la création des somnias et les différents rôles des créateurs divisés en plusieurs catégories. Le scénario combine délicatement science et magie et nous plonge aussi bien dans la description détaillée et précise d'un somnia et de ses différents rouages que dans les espaces absurdes de certains rêveurs comme le Jardin d'Eden en fin de volume. Et pour représenter au mieux cette double-rêverie, il faut saluer tout le talent de Federica Di Meo. La dessinatrice italienne a également signé une autre série cette année chez Kana avec Oneira. Autant dire que Federica Di Meo est une mangaka à suivre surtout après cet important travail univers qu'elle a crée avec Somnia. Son dessin est détaillé aussi bien au niveau des décors qu'aux niveaux des petits objets comme les somnia qu'elle dessine à la manière d'une créatrice de bijoux avec force et finesse. Son chara-design est très élégant et la dessinatrice adapte vraiment son style à cette ambiance changeante que ce soit à travers des moments plus doux et sensuels que dans des planches plus abracadabrantes. Visuellement, Somnia est très chargé et on en redemande et ce malgré un découpage pas tout le temps précis et quelques petites fausses notes au niveau de certaines expressions un peu trop lisses. Dans l'ensemble, Federica Di Meo delivre un travail magistral. Une dessinatrice dont je suivrai plus attentivement le travail. 

Que dire de plus sur ces Faiseurs de rêves ? Pour une création originale, c'est un vrai coup de coeur, encore une fois, Somnia n'est pas tout le simple mais il ne faut pas hésiter à se plonger dans cette envoutante ballade onirique, généreuse , à la croisée des genres. C'est un premier volume hypnotique et séduisant.