Critique Manga Double #1

8
Double

par Tampopo24 le lun. 11 avril 2022 Staff

Glass no Kamen au masculin

Avec Ayako Noda, voilà exactement le genre d'autrice que je vais maintenant suivre les yeux fermés. En trois séries, elle imagine trois histoires radicalement différentes et pourtant avec des sensibilités communes, sensibilités qui me touchent et surtout elle propose un travail graphique dont je suis très fan.

Ses trois histoires, ce sont celles du Monde selon Uchu, paru chez Komikku, d'Incandescence paru chez le Lézard noir déjà récemment et maintenant Double chez le même éditeur. Dans le premier, il était question de fantastique avec Alice qui arrivait dans une nouvelle école et faisait la connaissance d'Uchu, un camarade de classe taciturne, qui lui apprend que leur monde est en fait un manga dont il est le héros. Dans le deuxième, nous étions dans une romance sombre et passionnelle avec Ruri qui travaillait dans une supérette pour payer ses études et était très intriguée par un homme austère qui venait chaque jour acheter deux paquets de cigarettes, celui était un yakuza. Et maintenant avec Double, nous sommes dans une bromance sur fond de théâtre et de cinéma avec des jeunes talents en devenir.

Autant vous dire qu'avec moi, vous aurez tout sauf un avis partial. D'emblée, dès les premières pages, tandis que l'autrice fait jouer du Shakespeare à ses personnages, j'ai été prise dans le tourbillon de cette histoire. Je me suis sentie aspirée et capturée par le pouvoir de fascination de ces héros à l'histoire tellement atypique. En effet, Takara est un jeune acteur de génie, mais dans la vie de tous les jours, c'est un gros bébé, dont le voisin et meilleur ami, lui aussi comédien, s'occupe en permanence. Nous découvrons ainsi rapidement leur étrange relation d'interdépendance.

Ce qu'il y a de fascinant dans le titre, c'est qu'avec une certaine outrance et une loufoquerie évidente, l'autrice nous dépeint le quotidien pas tout rose de ces jeunes acteurs, entre petits boulots alimentaires, brèves apparitions et surtout jeu dans une troupe. Takara apparaît totalement dépendant de Yûjin et Yûjin totalement captif du charme de Takara. Ils fonctionnent donc comme des frères siamois, répétant et travaillant les rôles ensemble mais uniquement au profit de Takara, ce qui est petit à petit très malaisant. Pourtant, l'autrice fait passer tout ça comme étant on ne peut plus normal et leur relation semble belle et équilibrée avec ce grand attachement que chacun ressent pour l'autre. C'est très singulier et donc vraiment puissant à lire !

Côté théâtre et cinéma, le lecteur se régale aussi. On découvre un peu l'envers du décor quand on n'est pas connu. On suit leurs galères quotidiennes pour vivre, oui. Mais on voit aussi le plaisir qu'ils prennent à tout jouer même des petits rôles. On voit surtout comment cela peut se passer pour quelqu'un qui végète parce qu'il pense ne pas avoir de talent et à l'inverse comment ça peut vite décoller pour quelqu'un qui se fait repérer. On apprend aussi comment une série est construite, les desiderata qui viennent contrarier les désirs, la façon dont on filme et répète, le fonctionnement des agences, etc. C'est très riche.

On n'est cependant pas dans un titre catalogue, tout cela est englobé dans un récit très humain, bâti autour de la figure fascinante de Takara. On ne peut que se sentir attiré par lui. Il faut dire que l'autrice lui a donné de vrais traits d'acteur hollywoodien quand elle le prépare pour ses rôles. Il capte notre regard et ne le lâche plus. Yûjin lui aussi fascine mais dans son duo avec Takara et dans l'effacement qu'il provoque de lui-même pour ce qu'il pense être le bien de celui-ci. Ce sont deux personnages en antithèse et qui pourtant ne peuvent exister l'un sans l'autre. Donc impossible de se détacher d'eux.

Les compositions d'Ayako Noda ont encore un grand rôle dans cette bromance théâtrale. Son travail sur la lumière et les angles de vue est encore bluffant. Au vue du thème, elle appuie encore plus sur les angles de prises de vue pour souligner ses propos et c'est fascinant. Elle parvient aussi à donner totalement vie à ses personnages qui eux-mêmes doivent avoir des palettes d'expressions bien variées au vu de leur métier. Et quand ils jouent une scène, on est totalement immergés dedans. J'ai adoré !

En bref

Double est ainsi encore une fois une grande réussite pour moi. C'est un début à la fois étrange et prometteur avec une relation particulièrement singulière mise en scène ici dans un cadre que je n'ai pas beaucoup lu/vu en manga, sauf dans Laura ou la passion du théâtre / Glass no Kamen, et un peu Skip Beat, mais c'était des registre très différent. Ici, on ressent une vraie recherche et profondeur aussi bien dans le propos, l'ambiance que le trait et ça fascine !

8
Double
Positif

Le retour d'une autrice fascinante

Un dessin âpre et impactant

Un titre qui repose sur un duo singulier

Une plongée réussie dans le monde du théâtre et du jeu

Des personnages étranges et fascinants individuellement et dans leur relation

Negatif

Une relation qui peut mettre mal à l'aise

Takara mérite des coups de pieds aux fesses pour se bouger

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