Critique Manga Les saisons d'Ohgishima #3

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Les saisons d'Ohgishima

par Tampopo24 le sam. 11 nov. 2023 Staff

La vie d'une apprentie courtisane

Kan Takahama est vraiment une
autrice intéressante. En dehors du fait de nous proposer des séries
indépendantes qui s’imbriquent dans un même univers, elle ose également
parler de sujets complexes, parfois un peu tabous au Japon, avec une
grande simplicité de manière à éclairer les esprits et on l’en remercie !

Elle retrace ainsi dans Les saison d’Ohgishima les
destinées de plusieurs personnes d’horizons différents pour lesquels
elle s’est richement documentée ce qui nous offre au lecteur une lecture
dense et intéressante à défaut d’être passionnante. Car si on aime
découvrir les destins croisés d’un occidental, d’un chrétien japonais ou
d’une future jeune courtisane, le récit est quand même assez froid,
l’autrice ne parvenant pas dans sa narration en mode « chronique » à
totalement insuffler la vie qu’on aimerait avoir.

Dans ce tome, la vie suit son cours et on
se rapproche d’une date clé au Japon. En suivant les destins de nos
héros, on voit en filigrane s’écrire cette nouvelle histoire du Japon et
ce changement d’ère ne se fait pas sans heurt pour les anciennes
traditions. L’autrice s’attache donc ici, en fil rouge, à suivre un fils
de famille de samouraï qui va s’impliquer dans la milice de sa ville,
avant de se faire peu à peu embrigader par le nouveau gouvernement
central, nous faisant sentir le glissement qui se produit à cette
époque, ce qui est enrichissant à voir.

Mais j’avoue que c’est plus dans les
destins individuels et secrets des autres héros que je me retrouve, que
ce soit avec Ganji, qui élève Momo et cache tant bien que mal sa
religion, ce qui lui pèse de plus en plus vu le destin de ses
compatriotes chrétiens ; Momo qui cherche à atteindre sa mère, qui elle
le fuit, ne se sentant pas digne de lui ; où notre petite courtisane en
devenir sur laquelle on s’attarde particulièrement ici. Ganji et Momo
sont là mais semblent plutôt être une caution pour les relier à l’autre
saga de l’autrice se déroulant plus tard dans cet univers : La lanterne de Nyx. C’est
plus Tama que l’on suit dans cette saga et son histoire est édifiante.
Avec elle, on entre dans les arcanes des maisons de plaisirs japonaises,
celles peuplées de courtisanes et avec un certain recul froid terrible
on découvre leur fonctionnement. Cela fait froid dans le dos. L’autrice
dit qu’il faut parler ouvertement de cette époque et ces métiers, elle a
raison, mais la distance qu’elle met entre son héroïne et nous pour en
parler, me déstabilise.

Face à tout ce qui nous est conté,
j’aurais aimé ressentir plus d’émotion, car la vie de Tama n’est
clairement pas facile. On veut nous faire croire qu’il y a ici une forme
de normalité et d’acceptation à avoir. Je dis non. Heureusement qu’il y
a quelqu’un comme le jeune Victor pour se révolter. Tama, elle, est
bien trop passive. Elle représente sûrement bien ces jeunes filles à qui
on a tout caché et à qui on vend une vie de misère comme si c’était
normal. Il suffit de voir avec quel froideur et recul on leur explique
ce que sera leur rôle de courtisane auprès des hommes. C’est effroyable.
Mais je remercie l’autrice de nous montrer ainsi comment cela se
passait dans ces maisons.

En bref

Derrière ses belles couvertures douces qui font très « photos d’époque », j’apprécie de découvrir avec Kan Takahama la réalité qu’elle cache. Récit historique richement documenté, malgré sa froideur narrative, il révèle une forte émotion quant au destin de ces femmes forcées à devenir courtisane pour le plaisir des hommes. Dans un Japon en proie au changement, l’autrice fait se croiser des destins uniques qui nous interpellent et enrichissent son univers. Quelle belle oeuvre nous offre Kan Takahama !

8
Les saisons d'Ohgishima
Positif

Un texte richement documenté

Assister de l'intérieur au changement d'ère et ses conséquences pour le peuple

Découvrir les coulisses d'une maison de courtisanes

Des personnages attachants aux destinées tragiques

Des dessins immersifs

Negatif

Une narration un peu froide qui laisse le lecteur parfois à l'extérieur du récit

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