Critique Manga Les fleurs du passé - Natsuyuki Rendezvous #1

Tomber amoureux d'une veuve

Lors de sa première sortie, il y a
10 ans, je n’étais peut-être pas prête pour cette histoire. Et si j’en
avais vu les qualités, il m’avait manqué quelque chose pour poursuivre.
Quand je m’y suis à nouveau intéressée, le titre était inaccessible sur
le marché de l’occasion. C’était sans compter sur Naban qui nous fait le grand plaisir de le republier.

Il faut dire que l’autrice, Haruka Kawachi, est quand même une belle figure de la scène josei au Japon. Elle méritait donc de revenir chez nous. C’est pourquoi je suis ravie que Naban et Kana profitent du succès de sa dernière série en date : Namida ame to serenade,
pour la remettre en avant avec des séries courtes ou des oneshot pour
l’un, sa saga à succès qui compte déjà 13 tomes pour l’autre.

Pourquoi un tel succès de l’autrice ? Parce qu’elle sait compter avec son
beau trait épuré émouvant des histoires sensibles et âpres,
intemporelles, où l’humour côtoie la tristesse et où elle touche
toujours notre coeur. Dans Les fleurs du passé, c’est le récit d’un deuil impossible, celui du fantôme de l’époux d’une fleuriste, parti trop tôt, qui a encouragé celle-ci à refaire sa vie, ce qu’elle refuse encore de faire, et qui la hante malgré tout. Sauf qu’un jour, le salarié de celle-ci, amoureux d’elle en secret, décide de passer à l’action et notre époux fantôme décide de ne pas se laisser faire.

Certaines mangakas, je pense à Rumiko Takahashi, auraient sûrement décidé de traiter ce sujet sur le ton de l’humour. Chez Haruka Kawachi, c’est beaucoup plus sobre, plus sensible et tout aussi fin. A travers le jeu de ce trio de regards aveugles qu’elle met en place, Ryosuke qui regarde Shimao qui regarde Atsushi
qui regarde Shimao sans qu’elle le sache, elle pose la question
épineuse du second amour après la mort du premier. Ce n’est clairement
pas facile et les difficultés que ressent Shimao à tourner la page et ne
plus regarder en arrière, celles d’Atsushi à lâcher prise et s’en
aller, ou encore de Ryosuke à trouver sa place au milieu de ce passé
omniprésent, on peut les comprendre.

L‘autrice fait le choix de la subtilité. Ainsi, le cadre de cette boutique de fleurs est tout trouvé. La douceur, le parfum et le langage de celles-ci est parfait pour la sensibilité que l’autrice a décidé de mettre ici. Cela dégage une fraîcheur,
une douceur et une langueur parfaite pour prendre son temps d’analyser,
de comprendre, de lâcher prise et d’avancer. Cela plante aussi un joli huis clos dans un lieu qu’on sent protégé alors qu’il est également le cadre du drame, celui d’où on peine tant à sortir. C’est déchirant.

J’ai été très sensible à chacun des personnages. J’ai aimé le côté trouillard de Ryosuke qui prend ainsi son temps, hésite mais n’hésite pas quand il le faut. Je me suis beaucoup amusée du tendre amour qu’Atsushi ne parvenait pas à abandonner et toutes les roublardises
auxquelles il était prêt pour empêcher le rapprochement entre celui qui
le voit et sa femme, avec pour autant un lâcher prise quand elle a
vraiment besoin d’aide et qu’il ne peut pas intervenir. Je demande encore à découvrir Shimao, qu’on voit surtout à travers le regard des deux hommes de sa vie pour le moment. Elle est dépeinte comme une femme qui a eu la force d’aller au bout de son amour malgré la maladie et c’est tout à son honneur. Je la trouve magnifique aussi dans ce vacillant retour d’étincelle, quand la femme qui désire être aimée, reprend le dessus en elle. Elle me touche. C’est un très beau trio, écrit avec sincérité.