Critique Manga Je te donne la moitié de moi

Se sauver et déployer ses ailes

C'est juste cette belle couverture avec deux jeunes sur un fond de soleil couchant qui m'a donné envie de découvrir cette histoire d'Arashi Arima. J'aurais peut-être dû y regarder à deux fois car à la place du récit doux et mignon que j'attendais, je me suis retrouvée face à une histoire très belle, mais assez rude !

Je découvre avec ce oneshot le travail d'Arashi Arima qui débarque en France et c'est un travail émouvant, touchant, qui ne fait pas dans la dentelle et s'attaque à des sujets complexes avec la complexité attendue. Ici : c'est le sujet de la prostitution infantile et de la misère qui est sur la table. Je ne m'y attendais pas, alors je l'ai pris de plein fouet. Un petit avertissement en plus du "pour public averti", genre "déconseillé aux moins de 18 ans", n'aurait pas été de mise pour moi qui suit sensible au sujet. Mais j'aurais aussi pu lire le résumé, je l'avoue ><

L'autrice nous plonge dans l'histoire difficile de Shiraki, un lycéen populaire, qui sourit tout le temps, mais met aussi mal à l'aise son camarade Kurokawa. Un jour, en rentrant chez lui, ce dernier tombe sur lui qui est totalement débraillé. Il vient de se faire attaquer par un client fourni par sa mère. Ni une, ni deux, Kurokawa décide de le sauver et lui propose de s'enfuir ensemble. Mais ce n'est pas si simple quand on est adolescent.

J'ai été touchée par l'angle avec lequel l'autrice a choisi d'aborder cette histoire. Elle ose mettre les pieds dans le plat et sans misérabilisme décrit comment une mère, tombée elle-même dans la pauvreté et la prostitution, imagine la même vie pour son fils, comment un enfant entouré de cette ambiance depuis toujours ne trouve pas d'échappatoire. C'est bouleversant. Cette froideur, ce recul, cette impuissance nous prennent aux trippes. Et la pureté et le courage de Kurokawa qui réagit au quart de tour sont émouvants et puissants. J'ai été touchée par cette fuite en avant de ces deux adolescents qui cherchaient un peu d'air, un peu de liberté. Et l'autrice n'a pas fait dans la simplicité. Elle n'est pas au pays des Bisounours. Cette fuite ne résout rien mais elle ouvre une porte vers un avenir possible et ça change tout.

Alors bien sûr, ce n'est pas parfait. On se retrouve assez incrédule face à une telle acceptation et non dénonciation de la situation. Kurokawa aurait pu parler à ses parents, faire appel aux autorités. Le fait de laisser la situation pourrir ainsi est assez terrible. Leurs retrouvailles des années plus tard est également bien trop facile et occulte trop de choses. On nous laisse croire que c'est facile de se laisser prostituer, que ça ne nous détruit pas, qu'on peut se relever facilement et tourner la page, sans presque aucun traumatisme émotionnel, psychologique ou même sexuel. Je n'ai pas été convaincue de ce point de vue là. L'autrice a sûrement voulu aller trop vite et son histoire aurait gagné à être développée sur 2 tomes avec la fugue d'un côté, puis les retrouvailles d'un autre, pour vraiment approfondir les origines du drame, ses conséquences, puis le chemin de libération fait par Shiraki. Ici, tout va trop vite, est trop facile et on a plus de scène de sexe entre eux que de scène de couple, ce qui est quand même dommage vu la sensibilité du sujet. Il y a donc eu de belles intentions mais une transformation maladroite.