Retour vers le passé : Lensman - The Secret of the Lens (1984)

 

En 1937, le romancier Edward Elmer "Doc" Smith, souvent considéré comme le père du space-opera, publia dans les pages du pulp Astounding Stories "Galactic Patrol", le tout premier récit d'un ensemble qui sera ensuite connu sous la bannière du cycle des Lensmen (traduit en "cycle du Fulgur " en français) après le regroupement des différents serials en six romans.
E.E. Smith envisageait d'écrire une histoire sur des "flics de l'espace" depuis 1927 et il passa les années suivantes à développer l'univers des Lensmen, une patrouille galactique créée par une race très ancienne, les Arisiens, pour repousser la menace des Eddoriens, des extra-terrestres conquérants venus d'un autre continuum espace-temps. Les Lensmen sont dotés d'une lentille qui confère à son porteur diverses aptitudes mentales utiles pour faire appliquer la loi sur d'autres planètes.

Le cycle du Fulgur influença fortement la relance du comic-book Green Lantern dans les années 50 puisqu'on retrouve des similarités entre les concepts créés par E.E. Smith et le fonctionnement du corps des Green Lanterns (même s'il paraît que le scénariste John Broome s'en est toujours défendu). Avec leurs pouvoirs mentaux, les Lensmen sont aussi proches des Jedi de George Lucas et il se dit aussi que les premières ébauches du scénario de Star Wars s'inspiraient en partie de la mythologie de la Patrouille Galactique.

 

 

On retrouve d'ailleurs ces références dans ce qui reste à ce jour la seule adaptation cinématographique des écrits de E.E. Smith : le film d'animation S.F. Shinseiki Lensman (Lensman : The Secret of the Lens), réalisé par le duo Kazuyuki Hirokawa et Yoshiaki Kawajiri (qui faisait ici ses débuts de metteur en scène, seize ans avant Vampire Hunter D : Bloodlust).

Lensman : The Secret of the Lens est sorti en 1984, soit un an après Le Retour du Jedi. La fièvre Star Wars n'était pas encore retombée et de nombreux éléments évoquent la Saga des Etoiles de George Lucas. Tout en rêvant d'aventures, le jeune Kimball Kinnison vit avec son père une paisible vie de fermier sur la planète Mqueie (et comme un certain Luke Skywalker, il se révèle être un excellent pilote). Un jour, un vaisseau spatial s'écrase près de l'installation agricole de la famille Kinnison. Kim explore l'engin et tombe sur un membre mourant de la Patrouille Galactique.

Dans une scène qui rappelle le passage de flambeau entre Hal Jordan et le Green Lantern Abin Sur, le Lensman transfère sa lentille à Kim avant de mourir. Kinnison apprendra vite que les Boskones, une race d'aliens maléfiques, sont après cette lentille en particulier puisqu'elle contient la localisation de leur planète natale ainsi que la formule pour contrer les effets de leur arme biologique, informations très importantes pour l'issue du conflit.
Avec ses amis Buskirk (un sympathique pirate, mix entre Han Solo et Chewbacca) et Clarissa (dont la coiffure rappelle celle de la Princesse Leia...même si elle n'arbore ici qu'un seul macaron), Kim va tout faire pour atteindre la Base de la Patrouille Galactique...un voyage qui sera semé d'embûches...

 

 

Les réalisateurs et le scénariste Sôji Yoshikawa ont principalement mis l'accent sur l'action, souvent au détriment du développement et de la caractérisation : l'univers proposé est riche, mais il n'y a pas vraiment assez de place accordée pendant ces 100 minutes pour étoffer la mythologie des Lensmen et approfondir les relations entre les personnages (l'histoire d'amour entre Kim et Clarissa en souffre puisqu'elle n'est pas suffisamment bien écrite pour être convaincante).

Le scénario de Lensman manque donc de densité...mais certainement pas de rythme et d'énergie. Enième variation sur le proverbial "Chosen One" (l'Elu cher à de nombreux récits du genre), le long métrage de Hirokawa & Kawajiri est une gigantesque course-poursuite à l'échelle intergalactique, qui balade ses héros (et les spectateurs) de planète en planète et d'une scène d'action explosive à l'autre. Les décors et les designs regorgent d'excellentes trouvailles, comme le physique du Lensman Worzel et l'aspect organique de la technologie des Boskones.

L'animation est fluide et très dynamique...à quelques exceptions près : l'emploi d'images générées par ordinateur, notamment lors du prologue ainsi que pour la représentation de la Base de la Patrouille Galactique et les pulsations des vaisseaux Boskones, qui ressemblent à de gigantesques cerveaux, donne un résultat laborieux (étant donné que cette technique était encore balbutiante)...les visuels sont sommaires et le rendu est nettement moins détaillé que l'animation traditionnelle qui est beaucoup plus agréable à l'oeil.

 

 

Après Lensman : The Secret of the Lens, le scénariste Soji Yoshikawa a travaillé sur une autre déclinaison de l'oeuvre de E.E. Smith, mais cette fois-ci pour la télévision. Le dessin animé Galactic Patrol Lensman comprend 25 épisodes diffusés au Japon entre 1984 et 1985. Le résultat n'a pas plu aux ayants droits de E.E. Smith qui ne renouvelèrent pas le contrat passé avec le studio japonais. Un projet de long métrage américain circula en 2008, avec Ron Howard à la production et J.M. Straczynski au scénario, mais cette potentielle adaptation a depuis été abandonnée.

Le Doc

Commentaires (2)
  • ivan isaak
    ivan isaak
    Staff

    La remarque sur l'utilisation de l'ordinateur me fait penser à celles d'il y a quelques années sur l'utilisation de la 3D par les japonais dans leurs oeuvres 2D. Sinon, article très intéressant, comme toujours avec Le Doc. ;)

  • vernes
    vernes
    Membre

    Merci beaucoup pour ce passionnant article ^^ . Je vais tacher de me trouver les romans ^^ .