Critique Manga L'étranger du zéphyr #3

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L'étranger du zéphyr

par Charlie One le lun. 28 mai 2018 Staff

Il n’est jamais très agréable de pointer du doigt la médiocrité d’un titre que l’on a encensé par le passé mais c’est pourtant la situation dans laquelle je me trouve actuellement. Et je n’aime pas ça.


Après la semi-déception de son second tome, l’Etranger du Zephyr nous traine à la journée portes-ouvertes de Fumi, à la rencontre de Wada un ancien camarade de classe de Shun et de sa désagréable fille, Chiho, que l’on connaissait déjà.


Si la volonté d’aborder le sujet des familles non traditionnelles (où l’on mélange les cas d’adoption et d’homoparentalité) est louable, la maladresse avec laquelle cela est réalisé est très décourageante. Après quelques tentatives d’humour orientées pipi-caca… Kii Kanna recycle une situation familière – cf. T2 – redonnant le mauvais rôle à Chiho, enfant mal élevée, qui crie haut et fort son opposition (ridicule) à la famille de Fumi, et ce avec la méchanceté la plus gratuite qui soit. L’autrice s’enlise alors un peu plus, mettant en scène une gifle (non surprenante) accompagnée d’une morale bancale.  Si j’adhère bien au principe de non justification de la violence, je rejette en bloc le fait que Fumi – la première victime soit dit en passant – se retrouve seul à devoir présenter des excuses sous couvert d’un discours sexiste dédouanant la petite fille de ses paroles extrêmement blessantes. Est-il besoin de rappeler que les blessures n’ont pas besoin d’être visibles pour faire mal ?


Ces relents sexistes dont je parle vont donner naissance à d’irritantes répliques telles que :


Les hommes sont plus robustes (c’est pour cela que les filles peuvent te faire des misères mais toi, petit garçon de primaire qui n’a rien demandé à personne, non)


Ou encore :


Les filles ont le droit de pleurer […] je crois que c’est instinctif chez elles


Le passage au restaurant nous gratifiant de cette dernière citation n’est, sans étonnement, pas des plus réussis non plus. Shun, dont nous avions déjà souligné l’état d’esprit préoccupant, continue de s’enfermer dans sa bulle, renvoyant une image d’homme mi-épuisé, mi-dépressif, complètement déconnecté de ce qui l’entoure. Quant à Mio, on le remerciera d’être là comme vecteur sociable pour nous permettre d’obtenir un semblant d’information sur Wada et sa relation passée avec Shun. L’occasion était parfaite pour développer un flashback des années lycée de ce dernier au delà de quatre ou cinq planches. Toutefois, Kii Kanna n’était manifestement pas inspirée, privilégiant des conflits d’enfants à une ouverture plus large sur le passé « amoureux » de Shun.


Passées ces retrouvailles un peu pariculières, la scénariste donne un coup de boost à la carrière de son jeune auteur, le propulsant (ainsi que Mio toujours dans son sillage) au centre de l’attention, devenant l’écrivain GAY de la région et sujet de discussion des habitants. De la même manière qu’en première partie, on ne fait qu’effleurer l’intérêt d’un sujet à fort potentiel, balayant toute opportunité d’offrir une réflexion une peu plus percutante et étayée. Même si Mio finira tout de même par trouver sa voix et exprimer son malaise face aux « on-dit » extérieurs sur son couple, on regrettera de voir la discussion tourner aussi court à cause d’un Shun toujours plus cynique et défaitiste dans sa vision de la société qui l’oppresse. Le contraste est brutal et laisse goût amer en bouche. Avec de si jolies couvertures et un titre qui respire la légèreté et la liberté, j’aimerais tellement que l’auteure choisisse de véhiculer un message d’espoir.


Enfin, inlassablement, je reviens avant de conclure sur cette insistance incompréhensible à évoquer l’hétérosexualité (imaginée) de Mio lorsque, quelques pages auparavant, on nous révèle ses problèmes fréquents de performance en compagnie de la gente féminine, à présent remplacés par une vigueur insatiable au contact de Shun… Le déni a des limites et l’amour a bon dos.

En bref

Au terme de ce 3ème volume très creux, je remets donc en doute la capacité de Kii Kanna à captiver au-delà d’une dizaine de chapitres pour une même histoire. J’aurais aimé qu’elle se concentre sur la reconstruction tout juste entamée du cocon familial et qu’elle intègre davantage ses personnages secondaires à son intrigue. La flamme que je porte pour ce titre commence sérieusement à vaciller et s’est déjà probablement éteinte. Il faudra attendre le tome 4 pour en être certain. En attendant, j’ai l’impression d’être face à un gâchis énorme.

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L'étranger du zéphyr
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