Critique Manga Saisons maudites #1

8
Saisons maudites

par Tampopo24 le mar. 11 avril 2023 Staff

Dépasser la mort d'une soeur

Avec son style très particulier, Asuka Konishi se remarque sur les étals. Je n'avais pas eu envie de tester son Criminelles fiançailles et ses allures de récit de yakuza, mais la thématique sur le deuil et la famille de Saisons Maudites m'a fait franchir le pas.

Comme je le pressentais son style graphique est vraiment particulier mais je m'y suis rapidement fait et j'y ai même trouvé un certain charme, celui d'une autrice qui a sa propre patte, ce qui est assez rare de nos jours avec les magazines qui semblent imposer une certaine charte de ce côté-là. Les compositions, elles, sont simples et classiques alors c'est vraiment ce trait très ciselé qui frappe.

Il frappe les esprits d'autant plus que l'histoire, elle-même, est étrange. Elle met en scène une jeune femme venant de perdre sa soeur qui était tout pour elle et qui va malgré tout accepter d'entrer en relation avec le fiancé de celle-ci pour en quelque sorte "la remplacer", ce qui est très étrange. Au premier abord, on pourrait dire que c'est une histoire très japonaise avec ces fiançailles arrangées entre anciennes familles influentes et/ou aristocratiques mais quand on y réfléchit, cela existe également dans bien des pays entre familles d'un certain statut. Ce n'est donc pas le sujet. Non, ce qui intéresse ce sont les dynamiques des relations décrites et là, c'est excellent.

J'ai beaucoup aimé apprendre à connaître Natsumi, la grande soeur d'Haru, la jeune fille qui vient de mourrir. Natsumi vient d'une famille éclatée avec un père qui s'est ensuite très vite remarié. Elle a toujours vécu uniquement pour sa soeur, ne trouvant pas de reconnaissance et d'amour ailleurs. Elle vit donc d'autant plus fortement son deuil. Natsumi touche parce qu'elle porte un masque depuis toujours, même devant sa soeur, celui de la fille joviale, ou devant les autres, celui de la fille efficace ou effacée, c'est selon. Face à elle, Togo, le fiancé d'Haru, sans qu'elle s'en soit aperçu s'est mis à s'intéresser à elle car il a perçu en elle un écho de lui-même. En effet, ce dernier venant d'une riche famille a toujours tout fait pour plaire à cette dernière et n'a jamais pu être lui-même. Leur rencontre va-t-elle les aider à s'affirmer comme individu ?

Le ton de l'histoire est volontiers mélancolique ce que le trait très posé de l'autrice renforce. On sent très bien le mal être de chacun et les restrictions qu'ils se posent. La critique sous-jacente de la pression familiale est très juste, pression pour être tel qu'on l'attend niveau caractère, pression pour bien présenter, pression pour les études, pour le travail et même pour le mariage. C'est terrible. On comprend que ces personnages suffoquent. 

La question du deuil est également bien prégnante et poignante. J'ai été très touchée par la détresse de Natsumi qui ne sait plus trop quoi faire à la mort de sa soeur. Cela m'a renvoyé à ma propre situation et m'a fait m'interroger sur la réaction que j'aurais moi-même à sa place. Voir celle-ci de l'intérieur mais également de l'extérieur grâce aux chapitres où Togo est le narrateur fut donc très pertinent. Celui-ci nous permet de mieux comprendre ce que renvoie cette jeune femme terriblement seule maintenant. 

Alors oui sur le papier, c'est un peu glauque de suivre un couple qui se forme suite à la disparition d'une ancienne fiancée soeur de la nouvelle. Mais dans les faits quand on lit ce titre, ce n'est tellement pas ça. De fiancée, Haru n'avait que le nom. L'attirance de Togo pour Natsumi et l'intérêt qu'il lui porte sont on ne peut plus honnêtes et compréhensibles. Et le traitement psychologique des personnages est bien plus fin que cette accroche racoleuse. Nous sommes sur un titre où on traite de relations vraiment complexes en allant fouiller loin dans les personnages.

En bref

Très belle surprise, loin de l'aspect racoleur de sa formule d'accroche, Saisons maudites s'est révélé être un titre particulièrement fin et doté d'une belle psychologie avec des personnages émouvants qui sous la pression familiale ploient mais ne rompent pas. J'ai été touchée par leur détresse et leur rencontre, et j'ai hâte de voir s'ils parviendront à surmonter le frein de ce deuil qui pourtant devrait être leur point de départ. Je jetterai aussi un oeil à Criminelles fiançailles si c'est aussi bien écrit qu'ici.

8
Saisons maudites
Positif

Une vraie patte graphique

Une histoire émouvante loin des clichée

Une belle dimension psychologique

Des personnages attachants dans leur détresse

Des thématiques qui touchent : deuil, pression familiale

Negatif

Un dessin particulier qui clive

Une narration graphique un peu plate

Une accroche racoleuse qui ne représente pas le titre

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