Critique Manga Rhapsody in Red #1

Le piano comme thérapie comportementale

Encore une très belle surprise dans la collection Moonlight qui devient vraiment le vivier à pépites de Delcourt-Tonkam avec des titres fins et touchants.

Fan des titres musicaux, je ne pouvais pas passer à côté de la promesse de Rhapsody in red. Pourtant sa couverture m'interpelait avec ce pianiste ensanglanté qui semblait plein de rage, me rappelant un peu le héros atypique de Piano Forest, titre injustement inédit en France, je me suis quand même lancée et ce fut une superbe découverte.

Seinen en cours avec 4 tomes au Japon, issu du Young Animal de Hakushensha, il est l'oeuvre d'une jeune autrice aussi à l'aise dans la Boys Love dont on a pu lire plusieurs titres chez nous comme Permettez que je boive votre sang ou Messiah's Hammer chez Delcourt également. Je dois avouer qu'ils étaient passés inaperçus pour moi. Ce n'est plus le cas maintenant. 

Dans cette quête initiatique musicale, Amidamuku reprend la figure du voyou incompris pour le hisser dans une toute autre sphère. Torao est un lycéen qui n'arrête pas de se battre et que tout le monde considère comme de la mauvaise graine : sa mère, les profs, les autres élèves, le voisinage. Pourtant, c'est un jeune au grand coeur qui a beaucoup à offrir derrière ses allures de bagarreur. D'ailleurs, il ne se bat que pour défendre les opprimés mais ça se retourne toujours contre lui. Cependant, il en a marre de blesser ainsi celle qui est devenue sa mère et avec l'aide d'un voisin virtuose au piano, il va lui préparer un concerto !

Totalement rocambolesque sur le papier, cette rencontre entre un voyou et le piano fonctionne pourtant à merveille. L'autrice reprend de grands classiques un peu évidents mais elle le fait avec beaucoup d'émotion. Il y a bien sûr la figure du mentor : un divorcé, un peu bizarre et obsédé sur les bords, qui va comprendre le génie de Torao et le prendre sous son aile sans a priori. Cela se fait naturellement et cela ne sort pas de nulle part même si les capacités du héros sont pas mal exagérées. Il y a aussi un charmant élément déclencheur : le jeune harcelé qu'il a sauvé qui, en le remerciant et en osant dénoncer ses bourreaux, va lui ouvrir les yeux sur ce qu'il pourrait faire lui aussi pour mieux communiquer. Et bien sûr, sa mère : une femme courageuse, qui l'a adopté au décès de son père et qui fait tout pour joindre les deux bouts, même les boulots les plus sordides.

Tout cela flirte bon avec l'exagération à plusieurs reprise et pourtant cela fonctionne très bien. Le récit est dynamique, entraînant, plein de sentiments exacerbé, notamment ceux de Torao qui veut apprendre à communiquer grâce à la musique, lui dont les poings parlent toujours trop vite. Et c'est justement cette motivation première, en plus de son talent fou pour le piano grâce à sa super oreille et son talent d'observation, qui vont tout faire ici. Oui, c'est un peu fou, totalement incroyable, mais on a envie de le soutenir dans sa quête de communication. La musique devient alors une thérapie pour se libérer de ce qu'il a sur le coeur et ne peut mettre en mot tant ça le dépasse et est trop subtile. Et l'autrice a tout le talent nécessaire pour le mettre en forme avec un dessin qui traduit merveilleusement sa souffrance brute et la puissance de la musique comme vecteur expressif.