Critique Manga Utsubora #2

10
Utsubora

par Tampopo24 le lun. 27 févr. 2023 Staff

Chef d'oeuvre !

Chef d'oeuvre annoncé, chef d'oeuvre confirmé avec un second tome à nouveau magistral où l'autrice fait preuve de virtuosité aussi bien dans le propos, la narration que la mise en scène. Pépite !

Etant archi fan du style graphique d'Asumiko Nakamura, je ne suis peut-être pas la juge la plus impartiale, mais la dame est vraiment une virtuose pour moi de la mise en scène avec son style rempli de fluides et de virevoltes qui séquence l'histoire comme personne. Son dessin est également plein de métaphore mélangeant création et sentiments amoureux, impuissance et désir, amour pur et toxique. C'est assez incroyable à lire au point de donner envie de s'arrêter sur presque chaque planche pour en déceler les mystères cachés tant cette narration semble avoir de choses à raconter pour prolonger le texte. L'autrice m'a ainsi tour à tout inquiétée, fascinée, mise mal à l'aide, énervée ou dégoûtée avec une force rarement atteinte.

Il faut dire que son histoire est assez puissante elle aussi derrière son habillage de simplicité et de déjà vue avec cette intrigue de plagiat et de suicide. La mangaka entremêle les deux avec une attirance réciproque et contraire à la fois, nous subjuguant, nous happant et nous capturant très vite. C'est très singulier de lire cette histoire où tout s'entremêle pour monter peu à peu en puissance autour des deux intrigues qui la composent. Cela pourrait sembler flou et brouillon, c'est au contraire d'une virtuosité pour rendre la complexité de la pensée de ces être torturés par leur amour, leur amour de la littérature, leur amour de l'écriture ou leur amour de l'autre.

L'autrice n'a pas son pareil pour mettre en scène des relations malsaines et toxiques, que ce soit le rapport de Shun à l'écriture ou cela des femmes de sa vie à leur désir pour lui qui mélange désir charnel et désir créatif de manière assez dérangeante. En effet, on sent combien la contrainte est partout dans ces relations. L'une impose son désir à l'auteur en déshérence, l'autre lui impose ses sentiments maladroits mais presque oppressant et une dernière lui impose même son imaginaire, lui qui vit tellement mal son absence de nouvelles idées pour écrire. Nous sommes donc face à un homme victime de toutes ces femmes incarnant toutes les possibilités s'offrant à lui mais qu'il rejette et qui ne sait comment s'en sortir alors qu'on aurait pu le croire lui en position de force. Quel beau retournement !

La thématique de la création, centrale, est en effet fascinante dans cette oeuvre tant l'autrice pousse loin la réflexion. Nous sommes confrontés dans ce thriller à une véritable décomposition en règle de l'industrie du livre, avec une mise en accusation sévère du système éditorial qui se moque et profite de ses auteurs, mais aussi d'auteurs qui usent et abusent du système et notamment de leur responsable éditorial. Un portrait qui fait froid dans le dos et que l'autrice a su à merveille associer à l'intrigue policière de sa série, comme si les deux ne faisait qu'un.

Le rythme de ce polar est l'un des meilleurs que j'ai pu lire et pourtant, comme je le disais plus haut, l'histoire est classique. Mais cette quête de la vérité, cette recherche de la véritable identité de l'auteur/trice d'Utsubora mais aussi de la victime du suicide, est passionnant. C'est complexe de démêler tous les fils pour finir par réussir à tirer sur celui qui nous dévoilera l'unique personnalité derrière tout cela, car les fils se chevauchent et se mélangent sans cesse, faussant les pistes. Et comme en plus la figure qui porte ce mystère est terriblement malaisante, frôlant la folie furieuse, forcément on est captif de son regard et ses jeux, sans possibilité d'en décrocher.

En l'espace de seulement deux tomes, Asumiko Nakamura m'a totalement happé avec son univers et ses personnages torturés, franchissant même un nouveau pallier ici avec les sentiments amoureux qui s'y adjoignent. Sans pouvoir parler de réel attachement, j'ai été fascinée par les destins tragiques sentimentalement et humainement parlant pour chacun des membres de l'histoire, de l'inspecteur divorcé, en passant par le jeune éditeur, la nièce de notre écrivain, ce dernier et son étrange muse. Chacun est cabossé, chacun tente de faire avec ses failles, certains sombrent, d'autres surnagent, tout est âprement raconté par une autrice qui n'hésite pas à les écorcher vif pour cela, afin qu'on voit encore mieux leurs plaies. C'est fascinant et terrifiant à la fois.

En bref

Meilleure oeuvre à ce jour de l'autrice, j'espère vraiment qu'Utsubora aura le succès qu'il mérite car c'est l'un des thrillers les mieux ficelés et plus fascinants que j'ai pu lire grâce à un travail graphique, rythmique et narratif incroyable. L'autrice touche du doigt des sujets sensibles et très intimes autour des thèmes du désir, de la création, de l'envie, la jalousie et la dépression. Elle y va avec une rudesse bienveillance qui met à nu ses personnages et nous frappe en plein coeur, avec des images crues et puissamment symboliques, demandant un vrai travail réflexif à son lecteur. C'est beau une autrice qui va aussi loin et joue ainsi avec son lecteur.

10
Utsubora
Positif

Un sentiment de perfection

Narration graphique puissante et envoûtante

Des personnages âprement mis à nus

Un thriller fascinant à suivre

Les thématiques de la création, du désir, de la page blanche, des muses, du monde de l'édition...

Negatif

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