Critique Film .Hack//G.U. Trilogy

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.Hack//G.U. Trilogy

par Leif le dim. 15 août 2010

Projet multimédia d'une envergure réjouissante, si ce n'est révolutionnaire (sur le papier, du moins), la franchise .Hack a pour particularité majeure de conter une unique histoire au travers de plusieurs supports potentiellement complémentaires (séries animées, OVAs, mangas, jeux vidéos), envisagés comme autant d'éléments à collecter pour recomposer soi-même une intrigue originelle signée Kazunori Ito (Patlabor 1 et 2, Zettai Shonen...), l'un des scénaristes les plus "intellectuels" du monde de l'animation japonaise. Le concept s'imposait donc d'emblée comme l'idée la plus scénaristiquement enthousiasmante de ces dernières années, bénéficiant en sus d'un squelette narratif sur-mesure (appliqué à brouiller les frontières entre le réel et le virtuel), d'un cadre à sa hauteur, si ce n'est même à son image (un mystérieux jeu vidéo en ligne à l'origine de plusieurs comas inexpliqués) et de la musique envoû-planante de la très talentueuse Yuki Kajiura...

La déception finale n'en est que plus cuisante tant le produit fini semble dépassé par l'ampleur de ses ambitions premières, perdu en d'interminables bavardages sans consistance (faute de scénaristes annexes aguerris, sans doute) et passant systématiquement à côté des innombrables thèmes forts qu'il pourrait (et voudrait, on le sent bien) aborder (reconnaissons lui d'ailleurs quelques bons, voire excellents moments, mais tellement, tellement rares !)... D'inexcusables défauts de conception qui ne l'ont pourtant pas empêché de rencontrer un vif succès de par le monde, et a donc entraîné la création d'un second cycle, clos (entre autre) par le film d'animation baptisé Trilogy.

Prolongeant la troisième série télévisée (.Hack//Roots), celui-ci développe une version alternative des évènements chroniqués dans la seconde série de jeux vidéos (.Hack//G.U.) et donc, par extension, une version toute aussi alternative de la non moins alternative version des évènements donnée par le manga .Hack//G.U. (ça va, dans le fond, tout le monde suit ?) (personne ne lit ? Ha, ouf, je suis rassuré, vous pensez bien !). Pour autant, les concepteurs ont (semble-t-il) scrupuleusement veillé a ce que ce long métrage puisse se regarder sans connaissance particulière du contexte dans lequel il vient s'inscrire, ouvrant ainsi leur "Monde" a un plus large (et lucratif) éventail de spectateurs.

Pour le meilleur, ou pour le pire ?

Dans le monde virtuel de The World où les joueurs du monde entier se croisent, s'aiment, se déchirent, sympathisent ou s'affrontent, sans le savoir, trois joueurs anonymes s'apprêtent à précipiter une troisième (et peut-être ultime) crise du réseau. Haseo, adolescent aveuglé par un amour déçu et une inextinguible soif de vengeance. Ovan, son ancien mentor, qui poursuit en secret un but inavouable. Atoli, qui n'est que concessions et désir de reconnaissance. Triangle classique, en apparence, car derrière les façades de leurs visages fictifs, les failles, les fissures, les déséquilibres brûlent à fleur de textures polygonales... Et petit à petit, inéluctablement, ces personnages positifs et lisses (sur le fond comme sur la forme) révèlent vite leurs aspérités, leurs ténèbres intérieures et leurs névroses mal refoulées, d'autant plus pathétiques qu'elles sonnent presque "ordinaires".

Par conséquent, bien plus qu'un aspect visuel pourtant original et novateur (3D retravaillée, comme celle utilisée pour les cinématiques du jeu), c'est sans doute l'aspect de ce Trilogy qui emporte le plus l'adhésion tant il touche juste, vrai, catharsique, sans complaisance, en présentant des archétypes proches de ce que nous incarnons nous-mêmes et en nous les tendant comme un miroir pour refléter nos propres excès, nos propres bassesses, nos propres incohérences... Ceci, d'une façon simple, si ce n'est simpliste, mais imparable, allant jusqu'à, justement, réduire le grand amour à "une rencontre de deux névroses complémentaires". Ainsi, loin de se résumer à une succession de combats dantesques aux chorégraphies aussi survoltées qu'élégantes (un régal !), .Hack//Trilogy s'offre un fond véritable (qui n'est pas sans rappeler celui d'Advent Children, d'ailleurs), tout aussi élégamment mis en relief par des compositions musicales savoureuses.

Une réussite, alors ?

Pas complètement, hélas, car si cet essai est un coup de maître, il frôle l'excellence de trop prêt pour mériter ne serait-ce qu'une once d'indulgence.

Tout est là et bien là, pourtant : les thématiques fortes, le visuel ébouriffant(même si certains plans et personnages gardent un aspect trop artificiel pour être harmonieux), l'inspiration, le souffle épique, le scénario complexe et passionnant... Seulement voilà, à trop vouloir plaire à toutes les tranches d'âge, l'ensemble se retient, se censure, s'oblige littéralement (on le sent bien) à ne pas trop s'éloigner des sentiers battus, à ne pas trop désarçonner, à ne pas trop interroger, à rester de l'ordre du divertissement...

Il aurait suffi de si peu, dès lors. Une demi heure de plus, déjà, pour permettre une mise en place plus équilibrée. Plus de latitudes dans l'exploitation du matériau scénaristique offert par les jeux et par le manga. Moins de concessions ou de "vulgarisation" (le scénario finit par y paraître tiré par les cheveux, alors qu'il est parfaitement cohérent dans sa version bande dessinée, un comble)... Juste un peu plus de ce qu'il a déjà, en somme, et c'est bien là le drame.

Tout comme le projet .Hack aurait pu aboutir à la constitution d'une oeuvre plurielle sans précédent, plus qu'un bon film (ce qu'il est), celui-ci aurait pu s'avérer un GRAND film. L'Excellence est là, à portée de main, mais on renonce à elle de peur de perdre le spectateur en route.

En un mot comme en cent : regrettable.

Mais très bon malgré tout.

En bref

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.Hack//G.U. Trilogy
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