Critique Manga Pandora Hearts #1

Quand la princesse du gothique revient

Série emblématique du premier catalogue de Ki-Oon sortie entre 2010 et 2016, Pandora Hearts revient dans une très belle édition perfect cette année pour remettre en avant ce shonen gothique culte.

Ecrit par une femme pour un public plus unisexe et féminin que d'habitude, Pandora Hearts fut le champion de la nouvelle génération de ces titres gothiques des années 2010 qui s'inspiraient fortement du travail de Yuki Kaori, la reine du genre, en le lissant pour le rendre plus accessible à un public plus jeune. Comptabilisant 24 tomes dans sa première édition, il revient avec cette belle édition double grand format où l'éditeur nous gâte entre couverture inédite soignée, marque-page à l'effigie des personnages, pages couleurs et anciennes couvertures conservées, papier et impression de qualité. C'est un régal de découvrir ou redécouvrir la série ainsi.

Pour ma part, j'avais fait une tentative infructueuse à l'époque, espérant certainement un peu trop retrouver la plume si riche de Kaori Yuki ici. Or, c'est un titre bien plus jeunesse et bien moins torturé mais non moins réussi, je m'en rends compte aujourd'hui. Comme ses prédécesseurs, il reprend les codes des mangas gothiques, à savoir une forte inspiration de notre culture occidentales et de sa littérature jeunesse, ainsi qu'ici un joli clin d'oeil aux shojo torturés des années 70, à l'image de ce personnage s'appelant Gilbert, comme dans le célébrissime titre de Keiko Takemiya. Et je dois dire que malgré un côté plus léger, ça le fait. 

Il y a un certain plaisir à découvrir le monde mystérieux dans lequel bascule Oz à l'aube de ses 15 ans, alors qu'il doit être intronisé. C'est légèrement sombre, très farfelu, rappelant énormément une Alice au pays des merveilles, tout en ayant sa propre histoire. Le héros se retrouve impliqué dans un conflit qui le dépasse avec des organisations et créatures dont les intentions sont encore à définir mais qui vont totalement bouleverser et changer sa vie, de privilégié, certes, mais un peu morne. 

C'est d'ailleurs avec beaucoup d'énergie, un peu trop pour moi, tant le titre est léger et criard dans sa forme première, qu'Oz va partir en quête de réponse quant à ce qu'il a fait pour être ainsi puni. Il rencontrera non pas le lapin blanc, mais une Alice qui peut se transformer en lapin noir aux gros bras. Quelle riche idée ! Une sorte aussi de chapelier fou et son chat Cheshire, ici, représenté sous forme humaine, avec juste le caractère farceur et évanescent de ce dernier, et surtout beaucoup beaucoup de question. Ce début est d'ailleurs très riche. Ça parle dans tous les sens. Ça s'agite dans tous les sens. Il pleut des événements et des bribes d'informations mais tout reste volontairement très mystérieux à la Clamp ;) Je ne sais pas encore si je suis fan de ce pseudo mystère car souvent cela débouche sur pas grand-chose.

En attendant, je trouve le titre plein d'entrain, avec une volonté de vulgariser et rajeunir le manga gothique qui est plutôt bien faite et accessible. Les personnages derrière leur légèreté ont de belles personnalités : Oz, c'est le riche plouc un peu gaffeur ; Gil, c'est le serviteur fidèle par excellence ; Alice a un côté Mister Jekyll et Mister Hyde ; quant aux Claims, ils sont nonchalant et plein de bagout, charmant tous ceux passant à leur portée. Seuls les ''méchants'' sont plutôt faibles à ce jour, sans aucun relief pour les rendre inoubliables, ça pourrait être tout un chacun. Il faut travailler cela, car un bon antagoniste est ce qui fait une bonne histoire. 

Il ne suffit donc pas d'avoir un bel écrin pour avoir une bonne histoire, cela se travaille. A ce stade, c'est entraînant, très joliment dessin et plein de référence, mais l'histoire reste brouillonne et un peu en surface, malgré les thèmes de la mémoire perdue, de l'amitié et de la fidélité. J'ai l'impression que l'autrice s'appuie plus sur l'habillage de son récit que sur la profondeur qu'elle pourrait lui donner. Elle dessine de beaux personnages, bien stylés et lookés. Elle joue à fond de l'esthétique gothique à la Yuki Kaori dans tous les détails. Elle en fait des caisses niveau humour. Mais l'histoire demande à être creusée, approfondie, solidement cadrée pour se déployer mieux.