Critique Manga Rumiko Takahashi - Histoires courtes #1

La reine du tranche de vie

Rumiko Takahashi, comme pour beaucoup de trentenaires et plus, c'est toute mon enfance. Culte au Japon, elle l'est aussi en France mais de manière plus discrète. Après avoir édité ses séries, c'est un plaisir de voir revenir ses histoires courtes sous la forme d'un coffret regroupant ses cinq premiers volumes.

Quand on a connu le Club Dorothée, comment ne pas connaître cette grande dame autrice de Lamu, Maison Ikkoku (Juliette, je t'aime) ou encore Ranma 1/2, à l'époque. Depuis toujours, je suis fan de son trait si rond, un brin désuet, mais terriblement efficace comme chez Adachi, et de sa force tranquille pour raconter sereinement n'importe quelle histoire, de la plus banale, à la plus romantique ou fantastique. Elle s'est frotté au fil des ans à de la SF, de la romance, du tranche de vie, de l'action, du vaudeville, de la fantasy ou encore du fantastique. C'est plus, c'est une vraie touche à tout !

Dans ce coffret des plus sobres, ce que certains ont reproché à l'éditeur, mais pour son modeste prix (42.50€ pour cinq volumes), j'avoue que ça ne me choque pas. Je n'aurais pas été contre une illustration ou une frise comme certains y ont pensé, mais sa sobriété blanche me parle également. On y retrouve donc cinq volumes d'histoires courtes, dont certains ont déjà été édités autrefois en grand format par l'éditeur, mais sont désormais difficilement trouvables. Il y a donc : La tragédie de P, qui date de 1994, Le chien de mon patron (1999), Un bouquet de fleurs rouges (2005), Les oiseaux du destin (2011) ainsi que Le dîner de la sorcière (2019), qui étaient tous deux inédits chez nous.

Dès que j'ai commencé ma lecture, ce fut un vif plaisir de retrouver le ton et la narration si unique de l'autrice, entre tranche de vie banal et aventure toujours loufoque et grinçante. Avec un trait simple et des plus efficaces, elle met toujours en scène ses histoires avec une mise sobre et percutante. L'humour fait mouche à chaque fois, ainsi que les personnages hauts en couleur qu'elle imagine. Ses portraits de femmes sont très fins, à la fois proche et loin du cliché de la ménagère japonaise. J'adore notamment ses portraits de petits vieux et petites vieilles qui me font hurler de rire. Ses pères et hommes de famille en prennent en général également chers pour leur grade mais représente bien l'homme japonais tel qu'on se l'imagine. On a vraiment la quintessence du talent de l'autrice dans ces histoires courtes.

Prenons pour exemple le premier volume La tragédie de P, il contient 6 histoires où on retrouve tour à tour une femme au foyer qui héberge un pingouin dans une résidence où les animaux sont interdits ; une divorcée qui tente de maintenant à flot ''l'agence de romance'' (aka de mariage) dont elle a hérité ; un couple qui subit des dépôts sauvages d'ordures devant chez lui, venant du patron du mari ; une voisine qui hérite de la garde des plantes d'une veuve sur qui tout le monde dit du mal ; une petite vieille qui revient à la vie avec des pouvoirs et croise le sosie de son amour de jeunesse ; ou encore une jeune mariée qui voudrait convaincre sa belle-mère de vivre avec eux pour acheter une grande maison, sauf qu'un esprit farceur lui met des bâtons dans les roues...

On voit rien qu'à ce catalogue toute l'originalité de l'autrice, son goût pour le loufoque voire le grotesque et je vous laisse imaginer combien c'était drôle à chaque fois. Bien qu'étant des histoires courtes, tout est parfaitement rythmé, composé, écrit, pour nous amener jusqu'à une chute à chaque fois bien drôle et douce-amère. Il y a de très jolis portraits de vie de femmes au foyer en particulier et de ce qu'on attend d'elle que l'autrice détourne avec un savant humour. Je suis fan !