Critique Manga Irene #1

8
Irene

par Tampopo24 le mer. 29 déc. 2021 Staff

Le retour du chroniqueur sociétal par excellence !

BlackBox signe avec Irène, le retour d'un auteur phare d'Akata et Casterman mais qui était resté confidentiel de part ses critiques sociales assez âpres et borderlines. Ici l'éditeur aux livres confidentiels, entendez par là qu'on les trouve surtout à la vente sur leur site internet (lien), nous offre de le retrouver avec un titre du milieu des années 90 qui semble encore furieusement d'actualité.

Sur un ton à nouveau entre amertume et causticité, l'auteur nous plonge en plein coeur du Japon, loin des grandes villes et des personnages un peu lisses qu'on connaît. Nous sommes en pleine campagne avec un héros de 40 ans, qui vit encore avec ses parents et bosse dans un pachinko. Célibataire, c'est un peu la misère pour lui même s'il semble se contenter de son sort au début, mais tout va changer quand il va enfin réaliser ses désirs.

J'ai aimé d'emblée le côté très âpre de ce récit. L'auteur n'hésite pas à aller à fond pour traiter de la misère sexuelle de son héros. Il montre la difficulté pour quelqu'un de brut comme lui de trouver quelqu'un à cet âge, dans la campagne japonaise, alors qu'il a à charge des parents sur le déclin. C'est sombre et parfois limite scabreux. Les blagues sur le sexe vont bon train, mais c'est un vulgaire qui correspond très bien à la rusticité du décor, au point d'en être même un peu émouvant, car on se sent en pleine observation d'un milieu social qu'on connaît peut-être trop peu.

Ainsi, l'auteur aborde des sujets peu vus d'habitude. Outre la misère sexuelle évoquée plus haut, il est aussi question du travail dans un pachinko, des relations avec ses collègues, d'être mère célibataire dans une petite ville, d'avoir des parents âgés dont l'un perd la tête tandis que l'autre est hyper intrusif. C'est vraiment riche et toujours doux-amer mais avec beaucoup beaucoup d'amertume.

J'ai aimé grâce à cela suivre un héros qui détonne. Pas d'ado ou de jeune adulte en proie à ses désirs, place à un homme mur, seul, avec ses désirs d'homme qu'il satisfait via la pornographie ou les rencontres d'un soir. C'est brutal, un peu scabreux, mais assez réaliste et on sent bien toute la pauvreté et la misère de cet homme dans le regard à la fois bienveillant et sans concession de l'auteur. C'est émouvant de le voir prendre ainsi soin de ses parents, tout comme c'est touchant de voir cette mère, âgée, supporter son mari qui perd complètement la tête.

Le titre se veut donc également fort émouvant dans la description de ces portraits d'adultes peu habituels. Du héros et de sa détresse liée à sa solitude, à la jeune mère célibataire pour qui ce n'est pas simple d'élever son fils et qui en plus reçoit des propositions douteuses, à ce couple de personnes âgées sur le déclin où malgré l'amour une forme de violence rythme leur quotidien. C'est la misère sociale mais portée par beaucoup d'humanité dans le propos qu'on sent fort doux de la part de l'auteur derrière les propos brutaux et parfois un peu scabreux.

En bref

Ce premier tome m'a fait redécouvrir un auteur un peu tombé dans l'oubli dont l'univers rude me plaît. Il a un dessin qui correspond bien à la rudesse de cette société populaire et miséreuse qu'il décrit. Il a un ton qui invoque beaucoup de douceur et de sentiments pour mettre en scène ces pauvres hères. C'est vraiment beau, touchant et émouvant sous le vernis âpre, rude et un peu vulgaire dont il se dote.

8
Irene
Positif

Retrouver un auteur phare

Une critique âpre d'un pan de la société japonaise

Portrait de la misère sexuelle

Questionnement sur le célibat

Portrait d'une campagne aux habitants vieillissant

Une relation complexe parent-enfant

Une narration punchy et impactante

Negatif

Un dessin qui partagera

Un ton décapant qui ne plaira pas à tous

Des personnages auxquels il peut être compliqué de s'attacher

Tampopo24 Suivre Tampopo24 Toutes ses critiques (1647)
Partager :
Commentaires sur cette critique (0)
Laissez un commentaire