Critique Manga Banana Fish #1

8
Banana Fish

par Tampopo24 le lun. 19 avril 2021 Staff

Un thriller shojo dans les bas-fonds de New York

J'avais pas mal entendu parler de Banana Fish lors de sa sortie en France dans les années 2000, mais je dois dire que les choix éditoriaux de Panini à l'époque (l'imprimer sur les pages jaunes) m'avaient refroidie et j'avais laissé passer la série. Les dessins un peu old school et une histoire qui n'était pas vraiment un shojo pour moi à l'époque avaient achevé de me convaincre de ne pas la prendre. Seize ans plus tard, mes goûts ont changé et j'avais envie d'un titre différent, j'ai donc profité de la superbe réédition en perfect de Panini pour me frotter à cette série tellement réputée sur le net.

Et pour le retour de Banana Fish dans son catalogue, l'éditeur a mis les petits plans dans les grands. Il propose d'abord un magnifique service presse que je suis ravie d'avoir reçu avec une boîte à l'effigie du poisson-banane emblème de la série, à l'intérieure de laquelle on trouve un superbe t-shirt avec le même dessin et surtout les deux premiers tomes dans leur nouvelle édition et traduction. Pour cela, l'éditeur a revu sa copie : exit les pages jaunes bienvenu le beau papier blanc épais de qualité, exit le petit format bienvenu le grand format, exit la jaquette classique bienvenue la jaquette avec effet impacts de balles et en prime nous avons dans chaque tome comme un tiré à part avec des moments clés de celui-ci. C'est vraiment superbe, ne manque que les pages couleurs pour que ce soit parfait ! 


Banana Fish est un shojo d'Akimi Yoshida sorti à la fin des années 80 et au début des années 90 au Japon dans une édition en 19 tomes, condensée en 10 ici. On y retrouve donc un dessin assez daté fait de nez en patate, de petits yeux et de mâchoires un peu trop carrées. L'histoire, elle, n'a rien des romances lycéennes dont le shojo est peuplé en France depuis une dizaine d'années. Nous sommes face à l'histoire d'un jeune chef de gang dans l'Amérique des années 80 qui va se retrouver confronté au mystère d'une drogue : la Banana Fish. C'est donc un titre plus proche du thriller que nous allons découvrir.

Dans ce premier tome, nous faisons la connaissance des personnages principaux : Ash, le jeune américain chef de gang très sûr de lui et fidèle en amitié, et Eiji, un jeune japonais, apprenti journaliste qui suit son mentor aux USA et se retrouve embarqué contre son gré dans une histoire qui va le dépasser. Pas une once de romance en vue pour le moment, même si je sais qu'elle va arriver. Non c'est une histoire dense, nerveuse, sérieuse et sombre qu'Akimi Yoshida nous livre, à mille lieues de Kamakura Diary, son précédent titre publié chez nous.

Ici, elle brosse un portrait dur mais très fidèle de l'Amérique des années 80 avec ses problèmes : les gangs, la drogue, la Guerre du Vietnam et ses anciens soldats. Ce n'est pas une vision rêvée et fantasmée qu'on a sous le yeux, mais quelque chose de plus brut et sale, comme dans les bons vieux films noirs dans lesquels elle semble tirer son inspiration. D'ailleurs, j'ai trouvé la narration et le découpage des planches très cinématographiques et dans la lignée de ces films policier d'action des années 80 comme Voyage au bout de l'enfer.

Ce premier tome est une vaste exposition qui nous plonge rapidement en plein coeur de cette guerre des gangs complexe. On y découvre la vie d'Ash comme chef de gang, ses alliés et ses ennemis, sa relation trouble avec son ancien chef et surtout sa quête de réponse quant à ce qui est arrivé à son frère au Vietnam. Eiji n'arrive que dans un second temps et fait plutôt office de damoiselle en détresse qu'il va falloir sauver et qui va mettre en lumière toutes les qualités héroïques d'Ash. 

Cependant on bascule aussi très vite dans un dépaysement encore plus complet avec cette Amérique des gangs des années 80 terriblement sombre, brutale et violente. C'est extrêmement surprenant de trouver ça dans un shojo, genre plus réputé pour ses amourettes par chez nous, mais j'aime cette différence que s'autorise Akimi Yoshida. 

Dans la seconde partie de ce tome, Ash se fait piéger par son ancien patron et se retrouver vite arrêté pour un crime qu'il n'a pas commis, puis incarcéré dans une prison pour adultes où les dangers sont omniprésents. C'est glaçant, c'est oppressant. Il arrive des choses terribles à Ash, heureusement passé sous ellipse pour nous lecteurs, car l'autrice est tout sauf une voyeuse et que ça ne servirait pas son propos. Mais Ash reste quelqu'un de fier, indomptable et très intelligent. J'ai aimé en apprendre rapidement plus sur son passé mais aussi sur son caractère.

Il fait également une rencontre décisive en prison qui va continuer à nous relier à ce qui est arrivé à son frère avec la mystérieuse drogue "banana fish". Du coup, l'enquête continue également de ce côté-là à l'extérieur de la prison, ce qui donne un vrai rythme haletant à l'histoire qui oscille entre histoire carcérale, vengeance, histoire de gangs et thriller urbain. C'est extrêmement bien raconté et pour le moment, on sent un scénario bien huilé.











Ainsi, malgré des moments assez durs psychologiquement, Akimi Yoshida a su m'embarquer dans son univers. Elle a une force d'évocation assez rare. On s'attache très vite aux personnages. On craint pour eux, on a envie de les encourager, de les consoler, etc. Après ce tome assez intense et très centré sur Ash, j'espère quand même que certaines violences vont diminuer et que le champ de l'action et des personnages va s'élargir un peu ^^

En bref

Banana Fish mérite parfaitement sa réputation. C'est un shojo à part dans ce qui a pu sortir chez nous, car oui, c'est un shojo malgré la classification de Panini en seinen... C'est d'ailleurs dommage de le réduire à ça. Les shojos aussi peuvent proposer des thrillers violents, brutaux et efficaces comme celui-ci avec une influence évidente de films et littératures américaines plongeant dans les turpitudes de leur propre pays.

8
Banana Fish
Positif

Un scénario haletant qui démarre sur les chapeaux de roue

Un portrait sans concession de l'Amérique des années 80

Un thriller bien huilé avec des thèmes forts : guerre des gangs, drogue, prostitution, exploitation des enfants...

Des références culturelles parfaitement maîtrisées

Le retour d'un grand titre dans une belle édition

Negatif

Des dessins et une mise en page datés

Une escalade des malheurs qui tombent sur le héros

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