Critique Manga Ilegenes

"Accrocher" à Ilegenes n'est pas spontané. En effet, le manga se présente d'abord, et durant un bon tome et demi, comme une simple chronique de vie estudiantine dans une école militaire et un monde futuriste ; on suit l'entrée en classe d'un jeune génie jouant des coudes pour se faire une place, son rapprochement progressif avec ceux qui deviendront ses amis et leurs inimitiés un peu agaçantes avec le "groupe rival"... De prime abord, un manga donc moyennement intéressant.

Et pourtant, une fois cette introduction passée, la série révèle tout son potentiel. Déjà, l'amitié entre Fon et son groupe s'est construite par étapes, le courant étant passé tout de suite avec certains et de façon moins instantanée avec d'autres, ce qui a créé une certaine complexité au niveau relationnel qui rend peu à peu les interactions entre les personnages très intéressantes à suivre.

Mais surtout, le scénario adopte une envergure plus large, l'univers s'approfondit et dévoile sa richesse. Alors que Fon part à la recherche de l'assassin de ses parents, se développe en parallèle toute une réflexion sur la condition d'être humain et l'usage des clones. Les personnages s'interrogent, s'émeuvent, et parfois, décident d'agir pour contrecarrer cette société déviante mais où tout le monde ferme les yeux. Fon lui-même semble cacher un secret sur sa nature, les indices mystérieux se multipliant et retenant l'attention. Les chapitres réservent des retournements de situation, des révélations fracassantes et aussi pas mal d'émotion et d'interrogations sur soi.

Si le milieu de la série alterne les points de vue entre différents protagonistes, complexifiant et enrichissant le manga, ces cinq tomes retracent néanmoins le parcours de Fon avant tout. La conclusion lui permet de grandir et de savoir ce qu'il veut, de se dépasser, mais elle ne conclut pas cet univers dont la richesse permet une continuité. Ainsi, une suite a été créée au Japon, et on espère la voir arriver en France, sinon il est vrai que l'on restera malgré tout un peu sur notre faim.

Le graphisme d'Ilegenes est dans l'ensemble assez séduisant. Il devrait se rallier toutes les amatrices de bishônen, car les personnages sont classes, et quelques passages frisent le shônen-ai (mais ça reste léger, très léger). Par contre, il est dommage que l'auteur n'utilise que très peu les trames, car tout cela manque de nuances de gris, et donne un rendu final au contraste très tranché, presque agressif, entre les palettes de blanc et de noir. En revanche, les décors sont très soignés, surtout ceux montrant la ville en arrière-plan, où les bâtiments sont dessinés avec abondance de détails. Côté expressivité, c'est parfait : la mise en scène, les angles de vue et les gros plans soutiennent très efficacement les passages-clefs.

Malgré une introduction très "scolaire", Ilegenes possède un fond riche et des relations subtiles entre les personnages qui en font un manga digne d'intérêt. Tout serait parfait si la suite pointait son nez en France.