Critique Manga Mibu Gishi Den #1

9
Mibu Gishi Den

par MassLunar le jeu. 9 mars 2023 Staff

Le samurai qui souhaitait s'enfuir

Depuis sa création, le label Mangetsu( licence manga chez Bragelonne), multiplie les mangas historiques et plus précisement les mangas de samurai. On relève ainsi  quelques titres tels que  Chiruran focalisé sur le Shinsengumi, une force armée de samourais et de roturiers au service du Shogunat, Ikusa no go de l'emblématique Tetsuo Hara dont l'intrigue est centré sur le célèbre Oda Nobunaga ou encore le fort sympathique Butterfly Beast 1 et 2 , une fiction historique qui met en valeur une Kunoichi tueuse. 

Mangetsu demeure sur cette bonne lancée avec Mibu Gishi Den, une série qui, à l'instar de Chiruran , dépeint également le Shinsengumi à travers le point de vue d'un samourai du nom Kan'Ichiro Yoshimura, un guerrier complexe partagé entre l'honneur et la protection de sa propre famille.

Avec ce premier tome de Mibu Gishi Den, le mangaka Nagayasu Takumi impose un style réaliste et savoureux , une belle reconstitution historique directement adapté du roman de Jiro Asada. Ce dernier est un important romancier au Japon connu pour ses romans de yakusa et ses titres picaresques. C'est là un duo qui se retrouve pour la seconde fois après l'adaptation manga d'un roman appelé Le Cheminot , un one-shot qui fut publié chez Panini. 

Loin de l'image habituelle du samourai résilient, tout en bravoure, qui ne vit et ne se bat que pour l'honneur, Mibu Gishi Den met en valeur un héros beaucoup plus nuancé. D'ailleurs, les premières planches montrent un Kan'ichiro Yoshimura qui fuit le champ de bataille , bien déterminé à retrouver sa famille. Cette introduction est sublimé par des premières pages couleurs qui bascule de la fureur du champs de bataille à la mélancolie hivernale. 

Alors qu'il cherche à trouver refuge chez des anciens camarades , Yoshimura-san est vivement critiqué pour son déshonneur et condamné à se faire seppuku ( le fameux suicide rituel chez les samurais) . A partir de là, l'intrigue bascule dans des flash-backs et des témoignages pour nous raconter le passé de Yoshimura, un être cultivé et habile au sabre qui a décidé de rejoindre le Shinsengumi dans le but de récolter suffisamment d'argent. Mais loin d'être décrit comme un être vénal, les mangakas dressent le portrait d'un guerrier tout simplement humain et vulnérable qui avait d'autres préocuppations que de se battre pour l'honneur et le shogunat. 

Le premier chapitre débute sur une narration introspective de Yoshimura qui se rémémore brièvement son passé avant de (possiblement) commettre l'acte définit du seppuku. Une ouverture tragique qui bascule adroitement sur une autre temporalité au début du XXeme siècle.

En 1914, un intriguant journaliste se rend chez un tenancier de bar et entre deux dégustations de bières occidentales, le journaliste interroge le vieux tenancier qui se révèle être un ancien compagnon d'armés de Yoshimura. C'est là le premier témoignage qui nous permet d'en apprendre plus sur le samurai déshonorable tout en suivant une bonne tranche de l'Histoire autour du Shisengumi. 

Les premières qualités qui sautent aux yeux à la lecture sont les qualités visuelles de Takumi Nagayasu qui signe ici un dessin classique propre à la bonne reconstitution réaliste et précise d'un manga historique. Nous apprécierons notamment les changement de décor entre deux temporalités que ce soit au niveau de la seconde moitié du Japon du XIX ème siècle et le début de l'ère Taisho (pour rappel , qui est le même cadre temporel du manga Demon Slayer) . Mais loin de s'ancrer dans un style purement historique, Takumi Nagayasu apporte aussi un bon flow d'émotions avec un dessin presque intime, celui du samurai perdu dans ses pensées et sa tristesse qui se rémemore par des trames tout en fondu le visage de sa femme et de ses enfants. On notera aussi l'utilisation régulière des saisons et de la météo qui est l'un des meilleurs éléments esthétiques majeurs du manga de samourai. 

Ainsi, les amateurs et amatrices du genre seront sans doute enchantées de retrouver un manga de samourai d'aussi belle qualité comme l'annonce ce premier tome de Mibu Gishi Den qui combine la mélancolie sourde d'un samourai accusé de deshonneur et la fresque passionnante d'un Japon en rupture entre tradition et modernité, société féodale et démocratie. Certes, il faut un peu s'y retrouver dans ce contexte historique mais le point de vue majeur, l'élement central autour duquel pivote l'histoire demeure celui de ce personnage prometteur qu'est Kan'ichiro Yoshimura.

En cela, la narration est passionnante puisque comme l'annonce l'intrigue dans son premier témoignage, ce sera sans doute à travers le point de vue d'autres personnages que nous allons suivre la vie du samourai déchu. C'est un parti pris très interessant qui permet de découvrir différents moments de l'intrigue et possiblement différentes facettes du personnage principal. En l'occurence dans ce premier tome, l'intrigue est raconté sous le regard admiratif d'un jeune homme qui rejoint le Shinsengumi en même temps que notre "anti"héros. Ce dernier s'illustrait alors déjà par ses talents de bretteurs mais aussi son goût presque désespéré pour l'argent.

Le déroulement de l'intrigue laisse présager un fonctionnement à tiroir où chaque point de vue, chaque témoignage va soulever un indice, un moment de la vie de Yoshimura tout en cultivant le mystère de ce qu'il est devenu...


En bref

Mené par une narration habile qui multiplie les points de vue et témoignages, magnifié par un style rigoureux mais non dénué d'émotions, le dernier manga historique de chez Mangetsu annonce un titre passionant et nuancé sur la figure d'un samourai jugé déshonorable .

9
Mibu Gishi Den
Positif

Une narration habile menée sur différents points de vue et temporalités

Un dessin immersif, précis qui mise autant sur la reconstitution d'un cadre historique tout en dévoilant des planches d"émotions amères

Le personnage énigmatique et mélancolique du samurai Kan"Ichiro Yoshimura

L'édition de qualité chez Mangetsu

Negatif

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