Critique Manga Le péché originel de Takopi #1

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Le péché originel de Takopi

par Tampopo24 le dim. 5 févr. 2023 Staff

Quand la violence ne fait plus débat : il faut agir !

Je me méfie toujours un peu des titres présentés comme des "phénomènes", je me demande toujours si ce n'est pas un simple coup marketting. Je me méfie toujours un peu aussi des séries choc qui se veulent dénonciatrices des faits de société comme le harcèlement ou la violence car c'est parfois plus racoleur que juste. Mais j'ai été surprise, Takopi n'est tombé dans aucun de ces écueils !

Série courte, terminée en 2 tomes, la première bonne surprise, Takopi est l'oeuvre du jeune mangaka Taizan 5 qui officie ici sous pseudonyme, chose de moins en moins courante pourtant de nos jours. Il nous propose ici un récit mélangeant SF et réalisme cru sur le thème connu du harcèlement scolaire et des violences faites aux enfants : une réussite pourtant non évidente au départ.

Des mangas sur le harcèlement scolaire et les violences subies par les enfants, il y en a pléthore au Japon et même chez nous en France, ce n'est plus quelque chose de méconnu et c'est donc plus difficile d'innover en la matière. Pourtant, Taizan 5 a essayé ici d'apporter quelque chose de neuf avec cette histoire racontée à travers le regard d'un jeune alien arrivant sur Terre depuis sa planète, qui se nomme Happy, avec pour mission de rendre les gens heureux. Cela crée un savoureux décalage porté par ce regard naïf qu'il pose sur tout et qui nous amène à trouver encore plus frappant et choquant ce à quoi il assiste. 

Je n'ai cependant pu m'empêcher de retrouver dans cette lecture des inspirations venues d'ailleurs. Il y a un brin de Magical Girl à la Creamy et de shonen humoristique fantastique à la Doreamon dedans avec les "Happy gadgets" du héros. Il y a du Mohiro Kitoh (Bokurano, NaruTaru) avec cette créature extraterrestre mais qui prend à contre pied ses prédécesseurs par sa bonté. Et il y a bien sûr du Keiko Suenobu avec son Life, manga coup de poing sur le harcèlement scolaire qui avait tellement fait parler de lui à l'époque. Takopi est un peu la synthèse de tous ces titres.

Alors en quoi est-il différent ou nouveau ? Il ne l'est pas réellement mais il sait allier tout cela pour créer une histoire bouleversante. D'abord présentée à distance, de qui permet de supporter tout ce à quoi on assiste, l'histoire est peu à peu vécue de manière plus rapprochée, plus intime et cela se sent, le ton change, et on est de plus en plus touché.

Qu'est-ce qui vient nous toucher, nous bouleverser ? Le destin de ces petites filles, qui à cause des décisions pourries de leurs parents, voient leur vie bouleversée voire niée. Oui, on pourra dire que les événements décris ici sont un brin excessifs, qu'on les connait déjà, mais ils touchent tout de même. C'est rude de voir une enfant comme Shizuka harcelée à ce point à l'école sans que personne ne fasse rien (spoiler : c'est malheureusement une réalité qui existe au Japon mais pas la seule réalité / vérité). C'est difficile à avaler que c'est notamment dû à la situation conflictuelle de nombreux adultes de son entourage et de celui de sa harceleuse (spoiler : il y a ce genre de famille dysfonctionnelle partout, j'en ai régulièrement dans mon travail, dans mon école, avec demi-soeurs / frères issu(e)s du même père avec un an de différence dont les mères se croisent avec hargne à la sortie...). Tout cela sonne juste et ça fait mal.

Mais ici, le procédé choisi par l'auteur pour en parler est judicieux. Il crée d'abord une distance grâce au regard neutre et naïf de Takopi avant de nous rapprocher et nous impliquer grâce à un twist rude et brutal survenant de manière totalement inattendue qui va mettre la créature au centre de l'histoire. Ainsi sous ses allures de petite chose mignonne qui veut bien faire, Takopi va être l'élément agitateur de l'histoire, celui qui va apporter troubles et lumière. Sa lumineuse relation avec Shizuka émeut mais les troubles qu'il apporte à cause de sa trop grande naïveté va encore plus profondément la faire plonger. Une alternance entre ombre et lumière qui prend aux trippes. 

Le dessin de Taizan souligne tout cela. Il entre en écho avec la créature qu'il a imaginée. Avec ses rondeurs enfantines, il suggère quelque chose de doux, très vite rompu par les traces de coups et les gouttes de sang perçu, ce qui nous impacte d'autant plus, car cela rompt brutalement avec cette douceur qu'on associe à l'enfance et ça fait d'autant plus mal. A l'image de l'histoire qui casse les codes, le dessin en fait de même et surprend. 

En bref

Premier tome efficace, rondement mené, on comprend en le lisant comment le titre a pu bouleverser bien des lecteurs. Il serait cependant judicieux de s'interroger sur la nécessaire répétition de tels titres : ne serait-il pas temps que la justice et la société se bougent plus pour empêcher de telles situations ? Ne faudrait-il pas mettre plus de moyens dans la protection des enfants ? Les thèmes abordés ici font mal et ils le font car ils rappellent bien trop la réalité sous ce mélange réussi de SF et de thriller de société. Il serait temps que ça serve et que ça change.

8
Le péché originel de Takopi
Positif

Un phénomène justifié

Un titre qui dénonce habillement les violences faites aux enfants

Un dessin et une narration qui cassent les codes de l'enfance pour dénoncer

Une intrigue brillamment menée pour nous impliquer de plus en plus dans l'histoire

Une dénonciation nécessaire

Negatif

Un sentiment d'exagération parfois dans la violence mise en scène

Des thèmes déjà connus, vus et revus

Un choix narratif audacieux qui ne plaira pas à tous avec cette mise à distance au début

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