Critique One Piece 84

 


Il y a toujours eu deux lectures à One Piece. La première, et c'est celle valable pour toute série, est une lecture littérale. C'est-à-dire une lecture détachée de toute interprétation, qui considère le texte tel qu'il lui est donné. La deuxième lecture est téléologique. Cette dernière s'attache au sens du texte, à ce que la lettre signifie. Et c'est cette deuxième lecture qui fait de One Piece une œuvre pour les âges, atemporelle et identificatrice. A travers une société plus que fantastique et fantaisiste, l'auteur parvient à reproduire les travers de la nôtre, et ce volume ne déroge pas à cette règle.

Beaucoup considèrent ce tome comme l'un des meilleurs de la saga, voire le meilleur. Nous pouvons trouver cela normal car Eiichiro Oda y reprend les codes qui ont fait de One Piece un manga à succès : un personnage au passé difficile qui cherche à s'émanciper, à se créer au sein d'une famille qui l'a choisi, qu'il a acceptée et reconnue comme telle. Le patriarche de cette famille -ici Luffy- fera tout pour aider son ami, quitte à y laisser ses dents, afin qu'il reste avec lui. A moindre échelle, certains verront un peu de Barbe Blanche en Chapeau de paille, et d'une certaine manière ils auront raison.   

Ce volume semble être le point culminant du changement de voie que prend One Piece depuis l’ellipse des deux ans : un manga qui sait grandir avec son public et qui s'adapte à ce dernier. A preuve, le passé de Sanji qui nous est ici totalement dévoilé, beaucoup plus déchirant que celui présenté au tome 7 dans lequel on nous narrait sa rencontre avec Zeff au pied rouge. On apprend en effet que Sanji n'est rien d'autre que le produit raté d'une expérience réussie sur ses frères et sœurs, celle-ci faisant d'eux des « sur-hommes », des vraies machines à tuer, prêtes à apporter le chaos et la désolation sur tous les océans. A travers ce volume on en sait davantage sur le passé de Sanji donc, mais également sur sa destinée tracée depuis son enfance. On en vient donc à se demander si, depuis le début de l'histoire, il n'occultait pas volontairement cette partie de lui, afin de l'oublier définitivement, ou bien s'il savait que sa famille le récupérerait un jour ? C'est ici la force de l'auteur, on souhaite relire l'entièreté du manga pour chercher une futile ébauche de réponse à cette interrogation.



ONE PIECE © Eiichiro Oda / Shueisha Inc.


Autre aspect fondamental du manga qui est repris ici : l'affrontement bouleversant entre le capitaine et un membre de son équipage. Après Zoro sur Whiskey Peak, Usopp sur Water Seven, c'est maintenant Sanji qui se dresse face à son compagnon d'aventures. Cependant, contrairement à « tête de cactus » et « long-nez », le cuisinier de Chapeau de paille ne provoque pas de réel combat, mais au contraire inflige quelques coups pour, paradoxalement, épargner son ancien capitaine. Cela nous rappelle fortement Robin qui faisait semblant de vouloir mourir pour épargner ses nouveaux amis à Enies Lobby.

C'est après un long combat contre les forces de Big Mom que Nami et Luffy finissent finalement emprisonnés, bien que l'on puisse supposer que Brook et Pedro ne mettront pas longtemps à venir les délivrer. Le volume s'achève avec la visite de Pudding, la promise de Sanji, aux deux détenus, et un murmure de cette dernière à l’oreille de Luffy. Murmure qui semble d'autant plus mystérieux qu'il s'accompagne d'une Pudding en pleure clamant cet ultime mot : « Adieu ». A ce stade de l'histoire, il est difficile d'imaginer ce qu'elle peut bien préparer qui terrifie autant Luffy et Nami.

    ONE PIECE © Eiichiro Oda / Shueisha Inc.

 

On notera enfin les grands absents de ce tome que sont Robin, Usopp, Franky et Zoro. Je constate même, mais cela n'engage que moi, que Robin est malheureusement un personnage qui n'est pas assez exploité par Eiichiro Oda depuis l'arc Enies Lobby, et cela s'accentue après l'épisode des deux années d'entraînement.  


Ashitaka

Lecteur de mangas depuis mon plus jeune âge. Certains ont grandi avec Disney, moi ce fut avec Ghibli !
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