Critique L'Enfant et le Maudit 1

Difficile de mettre des mots sur ce premier tome. Compliqué de critiquer le fond quand l’auteur se contente de survoler le fil rouge de son histoire et de battre très légèrement des ailes pour disséminer quelques sommaires indices. On ne sait rien ou si peu comme si l’on balançait des miettes rassies à un canard. Pourtant, on ne peut s’empêcher d’avancer, c’est assez particulier, la lecture est à la fois monotone et captivante. Pourquoi ?


Parce que l’ambiance « fait » l’histoire



et créée cette part d’émotion suffisante pour être piégé, du début à la fin. La forme est l’étincelle qui donne l’envie de tourner les pages. Nous sommes en contemplation permanente et moi qui suis sensible à ce côté-ci de l’art, je suis charmée.


Sheeva et le Maudit.



On fait la connaissance d’une petite fille âgée d’à peine 6 ou 7 ans, mignonne et pure comme une étoile. Elle patiente sagement que quelqu’un vienne la chercher, la retrouver, sa tante. En attendant, elle partage ses journées avec un certain professeur anonyme monstrueux, le Maudit. Ils logent dans une cabane au milieu des bois. Pas de vie autour d’eux, aucun animal en vue, on ressent immédiatement un grand vide comme s’il étaient seuls au monde. Le village voisin est désert et la petite Sheeva se nourrit des restes de nourriture dénichés dans les maisons abandonnées. Tout est sombre, froid, les arbres qui montent très haut dans le ciel ne laissant filtrer que très peu le soleil. On se sent désolé pour l’enfant qui apparaît si triste et isolée du reste du monde. Le Maudit qui ne doit pas la toucher passe la majeure partie de son temps reclus dans son bureau et on a presque l’impression qu’il l’évite. En fait, il se sent coupable à son égard car il détient un secret. Sheeva est en réalité une petite fille délaissée et personne ne viendra la chercher. Or, il redoute le moment où il devra lui avouer et quelque part nous aussi car ce sera comme ôter tout espoir à cette sombre histoire.

Heureusement, la vie apparaît enfin de l’autre côté de la forêt. Une ville fortifiée, réservée aux gens de l’intérieur et gardée de main de fer par des chevaliers en armure équipés d’arc et de lances. Précisons tout de même qu’ils sont antipathiques et que ce n’est pas d’eux que viendra la panacée. Pourtant, cela soulève quelques interrogations.


Les gens de l’intérieur, les gens de l’extérieur qui sont-ils ?



Et comment on en est arrivé à cette séparation entre les deux ? Un livre émettra l’hypothèse qu’un dieu ténébreux par vengeance aurait tenté de maudire la terre et que pour se défendre le dieu lumineux aurait créé un mur, scindant ainsi le monde en deux. Il faut donc être du bon côté de la barrière pour avoir une chance de survie.

Voilà à quoi ressemble cette histoire au goût amer et ornée d’un joli ruban. On ne parle pas beaucoup dans cette histoire, on saupoudre seulement comme dans un conte. On suit du regard Sheeva bouger, essayer de s’occuper. On l’observe se forcer à sourire et on voit et ressent avec désolation l’infinie solitude dont elle souffre.


Le trait de l’auteur est en cela une force terrible et magique.



De quelques coups de crayons hachurés de noir ébène transparait un réalisme stupéfiant. Tout fait vrai - les paysages, les personnages, les vêtements, la maison, la bûche dans la cheminée -parce que NAGABE a le souci du détail et qu’il possède le style très singulier qu’ont les livres pour enfants. Très occidentalisé, oui c’est le mot juste tant est si bien que tout nous semble familier et pour qu'un peu j’ai cru voir notre drôle de couple perdus au milieu de la Forêt Noire en Allemagne.
Comme je l’ai déjà écrit, le mystère reste entier dans le scénario mais comme cela s’adresse aussi bien aux petits qu’aux grands chacun y cueillera la fleur qui lui convient et l’odeur qui lui plaît. L’interprétation reste pour le moment assez libre. Personnellement, je suis ébranlée et je me demande à la fin comment Sheeva, qui n’est ni de l’intérieur, ni de l’extérieur, va parvenir à se creuser une petite place dans ce monde ravagé par l’obscurité ?

KssioP

Continuellement l'esprit ouvert, je n'exclue aucun genre si ce n'est peut-être le genre guimauve ou Arlequin. J'aime cependant ce qui est différent, ce qui surprend. Rêveuse dans l'âme et aventurière chevronnée avec une manette en main, ma table de chevet se couvre de mangas, de romans, de cd's et d'une feuille de papier. Et bien souvent aussi d'un biscuit accompagné d'un thé car lire c'est certes bien mais avec confort et gourmandise c'est juste parfait.
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