Critique Given 1

Si on pouvait sentir un potentiel certain à nous conter de beaux récits en lisant sa précédente œuvre, le fait de développer deux histoires sur un format aussi court ne permettait pas à l’auteure de nous montrer toute l’étendue de son savoir-faire. Éprouvant quelques difficultés à apprécier les recueils d’histoires, je suis donc ravie de retrouver la mangaka aux commandes d’une série comptant actuellement deux tomes et impatiente de voir si mon intuition concernant son talent se confirme. 

« Sa voix m’a transpercé, elle est en moi. C’est une arme létale, une arme folle »

Autrefois passionné de guitare et de basket, Uenoyama est un jeune lycéen qui a perdu un peu de la flamme qui l’habitait jadis. S’enlisant dans un quotidien morne rythmé par de nombreuses siestes, sa vie va pourtant prendre un nouveau tournant grâce à sa rencontre avec Mafuyu. D’abord très intrigué de voir que ce dernier possède une guitare Gibson sans savoir y jouer ni même en prendre soin, il va rapidement se nouer d’amitié avec lui. Seulement derrière la candeur de Mafuyu se cache un passé douloureux qui l’empêche d’avancer. Quelle sera la réaction d’Uenoyama quand il apprendra ce qui tourmente son ami ?

Dès la première page, on sent déjà que l’auteure va nous proposer un récit poignant et chargé en émotions fortes. Si la lecture commence de façon marquante et déstabilisante, la suite est quant à elle beaucoup plus douce et positive. En tout cas, on tombe rapidement sous le charme de nos deux protagonistes principaux. Bien que leur rencontre soit totalement dû au hasard, l’auteure ne se contente pas de nous les présenter et va beaucoup plus loin en parvenant presque instantanément à établir un lien très fort entre eux grâce notamment à cette fameuse guitare que Mafuyu serre désespérément contre lui. En effet, le lecteur peut déjà déduire énormément de choses en observant leurs attitudes et réactions lors de ce premier contact. La première chose qui va nous sauter aux yeux réside dans la différence de caractère entre les deux jeunes gens. Uenoyama semble un peu brute et nonchalant de prime abord pourtant on sent déjà une certaine générosité dans sa façon de bousculer gentiment Mafuyu. Même si ce dernier nous apparait introverti et perdu dans ses pensées, une certaine mélancolie se dégage de lui surtout dans sa façon de s’accrocher à son instrument comme si sa vie en dépendait ; un point qui aura de quoi intriguer. Suite à cette rencontre, Mafuyu va demander à Uenoyama de lui apprendre à jouer et c’est cette guitare qui deviendra le point d’ancrage du récit. La magie opère toute de suite et on est captivé de la première à la dernière page. 

« Un récit intimiste où chacun puise la force d’avancer dans la musique »

Avoir choisi la musique comme lien entre les différents personnages est juste excellent tout simplement parce que cette dernière est universelle et possède la capacité de toucher les individus au plus profond d’eux même que ce soit lorsqu’on en joue ou lorsqu’on en écoute. L’auteure ne fait pas les choses à moitié à ce niveau-là, elle utilise différentes façons pour mettre en lumière l’impact considérable que peut avoir la musique sur la vie d’une personne que ce soit à travers le parcours personnel d’Uenoyama ou le quotidien de son groupe. On va donc suivre d’une part les progrès de Mafuyu et d’autre part son intégration. L’arrivée de ce dernier parmi eux va d’ailleurs donner un véritable second souffle aux membres. En effet, il possède la capacité d’émouvoir et d’inspirer; on appréciera non seulement la belle énergie qui se dégage du groupe mais aussi cette seconde renaissance. 

Suite à un concours de circonstance, Mafuyu ouvrira son cœur à Uenoyama et lui parlera notamment de son incapacité à exprimer ce qu’il éprouve. On découvre peu à peu que derrière son flegme se cache de profondes blessures du passé qui l’enchaine jusqu’à l’étouffer. On aime ou pas ce genre de personnage torturé ou encore le petit côté dramatique du récit mais l’auteure fait bien les choses et on sent sa volonté d’axer son récit sur la reconstruction de la personne après un terrible évènement. En effet, Mafuyu au contact d’Uenoyama va petit à petit se remettre à avancer et l’idée de ce dernier pour l’y aider est vraiment bien trouvée. Ce n’est d’ailleurs que vers la fin qu’on comprend la nature des souffrances de Mafuyu, l’auteure ayant patiemment et subtilement amené ses lecteurs à faire le lien avec la première page ; elle nous offre alors de très belles scènes où tout sonne parfaitement juste (la colère et l’incompréhension d’Uenoyama face aux doutes de Mafuyu, la question que Mafuyu pose à Haruki en fin de tome,…). 

Mafuyu et Uenoyama vont se rapprocher doucement mais surement, d’abord une amitié va naitre et ensuite petit à petit l’un des personnages va se rendre compte qu’il pense constamment à l’autre jusqu’à la dernière page où il parvient enfin à mettre des mots sur ce qu’il ressent. C’est un point qui mérite d’être souligné car bien souvent les relations évoluent trop rapidement et les protagonistes finissent généralement au lit ; l’auteure évite le piège et réussi à nous captiver sans aucune scène de sexe. 

Beaucoup de bonnes choses ressortent donc à la lecture de ce premier tome, la narration fluide et presque introspective à certains moments, l’intrigue maitrisée avec beaucoup de justesse dans les émotions et réactions, des personnages fouillés et attachants, une belle mise en scène de la musique et le timing parfait des différents éléments et interventions mis en place ; concernant ce dernier point, il est rare qu’une mangaka parvienne à gérer aussi bien sa galerie de personnages car même ceux qui font une brève apparition nous touchent. Même les plus exigeantes d’entre nous devraient trouver leur bonheur à la lecture de ce titre ! 

Idem que pour sa précédente série, mon petit coup de cœur pour le trait de Natsuki Kizu est toujours de mise. Au risque de me répéter, elle possède une vraie patte artistique. Les personnages masculins ou féminins sont beaux et dégagent beaucoup de charme. Ils ont tous une palette d’expressions fournies qui vient apporter du poids aux émotions ressenties durant les différentes scènes ; certaines sont du plus bel effet et seront bien plus nombreuses dans ce titre. L’auteure se sert habilement du jeu de regard et la mise en scène est toujours aussi bien pensée ; on ressentira bien l’ambiance particulière qui se dégage du groupe de musique notamment dans les poses de crooner et le dynamisme des membres lorsqu’ils jouent. L’ensemble est fin et soigné, les corps sont bien proportionnés et les arrières plans sont bien dessinés ; mention spéciale pour les instruments de musique. Les personnages secondaires sont également bien travaillés et facilement reconnaissables. Encore une fois, un vrai régal pour les yeux. La qualité est toujours au rendez-vous concernant l’édition. 

snoopy

Lectrice assidue et dévoreuse de mangas à plein temps. Collectionneuse dans l'âme, jamais rassasiée au grand désespoir de mes proches.
Commentaires (0)