Chronique : La fille de la plage
Poison Lady revient sur cette série pas comme les autres signée Inio Asano
"La fille de la plage". Un personnage que l'on ne voit que très peu, mais qui donne son titre à l'oeuvre et, finalement, va tout faire basculer entre les deux personnages principaux...
Deux adolescents paumés comme il en existe tant, comme chacun d'entre nous a pu l'être, mais qui eux ne vont trouver comme seul moyen de garder la tête hors de l'eau que de se raccrocher l'un à l'autre au travers du sexe, quitte à basculer dans la décadence. L'une, manipulée par le charmeur de service sans pouvoir tourner la page, l'autre, prisonnier d'un deuil qu'il n'arrive pas à faire. Etouffés par leurs secrets, réunis par le hasard sur cette plage, ils font l'amour sans amour. Ce qui aurait pu en rester là va se muer en non-relation bancale que l'auteur nous propose de suivre, au travers non pas d'un bête manga érotique, mais de tranches de vie où les passages scolaires ont au moins autant d'importance que les moments où Koume et Isobe se retrouvent.
© 2011 Inio Asano / OHTA PUBLISHING
Leur relation est-elle dénuée de sentiments? Clairement, non. Partagés? Non plus. Pourtant, indéniablement, ceux deux-là se soucient l'un de l'autre, à leur façon, mais chacun de leur côté, et, surtout et hélas, chacun leur tour. En résulte l'impression d'assister à une longue descente aux enfers, où les héros se cherchent, sans jamais pouvoir se trouver, où l'équilibre leur permettant de continuer à avancer, fragile, n'est jamais acquis. Jusqu'à ce fameux jour, servi par une mise en scène de toute beauté, rythmé par un certain morceau de musique... C'est puissant. C'est beau. C'est méchamment efficace. Asano est un maître. Voilà.
Toute la force de "La fille de la plage" est de raconter leur histoire, sans jamais en faire trop, sans tomber ni dans le trash (ce qui, au vu de certains passages, aurait pu être facile), ni dans le mélo, et toujours avec un ton juste, dur, réaliste, troublant. Pas de note d'espoir ici, du début à la fin. On n'est pas dans une oeuvre porno, ni dans une histoire romantique, même s'il y a, en fin de compte, un peu des deux dans ce portrait de jeunesse désabusée. La narration est exemplaire d'un bout à l'autre, d'abord lente, pour finir haletante, accentuant toujours cette impression d'inéluctable. Jusqu'à la fin, magnifique, plus pessimiste qu'optimiste, mais surtout réaliste, crédible, comme tout le reste de l'histoire d'ailleurs.
Graphiquement, c'est juste superbe. Tant au niveau des décors que des personnages. C'est fin, c'est expressif, retranscrivant parfaitement le peu de tendresse non-dite qu'il y a entre ces deux-là, l'ennui, le désespoir, les éléments déchâinés. On regrettera juste que, pour des adolescents censés avoir un physique banal (et l'auteur insiste lourdement là-dessus à plusieurs reprises), Koume et Isobe aient été représentés plutôt beaux l'un comme l'autre...
© 2011 Inio Asano / OHTA PUBLISHING
Pour le reste, il n'y a rien d'autre à dire. "La fille de la plage" n'est clairement pas le truc à lire un jour où vous êtes déprimé (pas de bol pour moi) mais ne pourra que vous remuer les tripes. Lisez-le. C'est tout.
Attention, chef d'oeuvre.
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