Culture Nipponne # 16 : Bienvenue à Tôkyô-les-Bains

Si l’envie vous prend un jour de vous rendre dans l’un des 700 bains publics de la capitale, voici trois adresses incontournables.

L'article qui suit est tiré du journal Zoom Japon n°35.

 

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Dans la matinée du 1er septembre 1923, il y avait plus de 2 000 établissements de bains publics à Tokyo. Deux jours plus tard, seuls 400 étaient encore debout après le grand tremblement de terre qui a frappé la ville ce jour-là. Aujourd’hui, on en compte 700. La plupart sont concentrés à shitamachi, la ville basse, ou dans les quartiers populaires situés à l’est de la capitale. Nous avons visité trois des plus beaux sentô de la ville qui représentent parfaitement cette tradition ancienne.

 

La magnifique façade de Myôjin-yu, dans l’arrondissement d’Ôta


Takara-yu est, comme son nom l'indique (takara signifie trésor en japonais), un vrai petit bijou. Caché dans une des ruelles du quartier de Kita-Senju, son extérieur n’a pas bougé depuis 1937, année où il a été construit. Un exploit exceptionnel dans un pays où les bâtiments en bois - y compris les temples et sanctuaires - sont régulièrement reconstruits pour remplacer les matériaux usés par le temps. Certaines de ses plus belles caractéristiques peuvent ainsi être appréciées avant même de mettre le pied à l'intérieur.

Takara-yu possède une archiecture typique des sentô de Tôkyô.


La sculpture qui se trouve au-dessus de l'entrée principale représente les sept Divinités du bonheur (Shichi Fukujin). Créé à partir d'un bloc de bois unique, ce chef-d'oeuvre a été réalisé par le même artiste qui a sculpté les trois célèbres singes du sanctuaire Tôshôgû à Nikkô. La sculpture est surmontée d'une grue - une marque de chance - et d’un pin (matsu en japonais) pour représenter le nom du propriétaire, MATSUMOTO. Un autre symbole typique de la culture du bain (née à l'époque d'Edo) est constitué par l’arc et les flèches qui se balancent sur la gauche. on dit qu’ils sont là pour attirer les clients. Leur nom japonais yumiya est un jeu de mots avec l'expression “yu ni iru”qui signifie “entrer dans l'eau”. Un autre des joyaux de Takara-yu est son magnifique jardin japonais avec un étang dont les carpes koï ont plus de 50 ans.

 

Shimizu-yu se trouve, quant à lui, dans l’arrondissement de Shinagawa. C’est un exemple élégant de la façon dont les bains publics ont évolué afin de répondre aux goûts populaires. Il a été inauguré en 1924, raconte Kawagoe Tarô qui représente la troisième génération de propriétaires. Son père a pour sa part décidé de chercher une source d'eau chaude pour relancer son affaire qui battait de l’aile. Il est tombé sur de l’“or noir” (couleur de l'eau de source chaude à Tokyo) en 1994 avant de découvrir encore mieux en 2007 : l’“eau dorée” qui est célèbre pour ses vertus curatives.

 

Shimizu-yu (à gauche) se distingue par la qualité de son “eau dorée” tandis que Myôjin-yu possède
une superbe fresque représentant le mont Fuji.

 

L’eau de source chaude provient de 200 mètres sous terre. Mais pour découvrir la fameuse “eau dorée”, ils ont dû forer jusqu’à 1500 mètres. L'effet curatif de cette eau riche en fer contenue dans la baignoire en granit est renforcé par un processus appelé nano-bulles. Shimizu- yu est désormais le seul sentô à Tôkyô qui propose non pas un mais deux différents types d'eau chaude. C’est un établissement tellement populaire que le matin de notre visite il y avait une longue file d’attente à l'extérieur pour pouvoir être le premier à profiter de la petite baignoire en plein air. Dans un style typique de Tôkyô, il y a Myôjin-yu. C’est l'un des plus célèbres sentô de la ville. Fondé en 1957 dans l’arrondissement d’Ôta où l’on trouve la plupart des établissements de bain public de la capitale, il a été construit, comme Takara-yu, dans un style qui rappelle les temples avec de hauts plafonds. Une caractéristique qu’on ne retrouve que dans les sentô de Tôkyô. Sa principale curiosité est le hafu avec sa forme convexe. Il est situé au-dessus de l'entrée. Selon le spécialiste des sentô Machida Shinobu, on ne trouve ce genre d’ornement que dans quatre endroits très différents : un temple, un sentô, au sommet d' un corbillard et à l'entrée des quartiers de plaisirs. dans tous les cas, il symbolise, d'une manière ou d'une autre, l’entrée au paradis. a l'origine, les établissements de bain public étaient des bâtiments beaucoup plus simples. c'est seulement après le grand séisme de 1923 que les charpentiers spécialisés dans la construction de temples ont été invités à reconstruire le sentô qui avait été endommagé. Ce style est devenu très populaire, mais seulement à Tôkyô. On trouve aussi des traces de l'architecture bouddhiste dans les vestiaires avec de hauts plafonds et une structure unique en forme de S qui fait la jonction entre le toit et le mur. Plus que sur la décoration, c’est sur la fonctionnalité à l'intérieur de la salle de bains que l’accent a été mis. L'eau provenant du sous-sol arrive sous pression grâce à un système de tuyauterie complexe. Même le sol dans la zone de douche est incliné selon un certain angle afin d’éviter la formation de flaques d'eau. c’est très important faute de quoi l'humidité et la vapeur permanentes pourraient provoquer de graves dommages. C'est en effet presque un miracle que les bains publics traditionnels aient résisté si longtemps sans avoir à procéder à d'importantes réparations.  

GIANNI SIMONE

Source: Zoom Japon 35, GIANNI SIMONE

Skeet

Créateur de Manga Sanctuary et avant tout lecteur de manga depuis la fin des années 80.
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