Critique L'étranger du Zephyr 3

Il n’est jamais très agréable de pointer du doigt la médiocrité d’un titre que l’on a encensé par le passé mais c’est pourtant la situation dans laquelle je me trouve actuellement. Et je n’aime pas ça.

Après la semi-déception de son second tome, l’Etranger du Zephyr nous traine à la journée portes-ouvertes de Fumi, à la rencontre de Wada un ancien camarade de classe de Shun et de sa désagréable fille, Chiho, que l’on connaissait déjà.

Si la volonté d’aborder le sujet des familles non traditionnelles (où l’on mélange les cas d’adoption et d’homoparentalité) est louable, la maladresse avec laquelle cela est réalisé est très décourageante. Après quelques tentatives d’humour orientées pipi-caca… Kii Kanna recycle une situation familière – cf. T2 – redonnant le mauvais rôle à Chiho, enfant mal élevée, qui crie haut et fort son opposition (ridicule) à la famille de Fumi, et ce avec la méchanceté la plus gratuite qui soit. L’autrice s’enlise alors un peu plus, mettant en scène une gifle (non surprenante) accompagnée d’une morale bancale.  Si j’adhère bien au principe de non justification de la violence, je rejette en bloc le fait que Fumi – la première victime soit dit en passant – se retrouve seul à devoir présenter des excuses sous couvert d’un discours sexiste dédouanant la petite fille de ses paroles extrêmement blessantes. Est-il besoin de rappeler que les blessures n’ont pas besoin d’être visibles pour faire mal ?

Ces relents sexistes dont je parle vont donner naissance à d’irritantes répliques telles que :

Les hommes sont plus robustes (c’est pour cela que les filles peuvent te faire des misères mais toi, petit garçon de primaire qui n’a rien demandé à personne, non)

Ou encore :

Les filles ont le droit de pleurer […] je crois que c’est instinctif chez elles

Le passage au restaurant nous gratifiant de cette dernière citation n’est, sans étonnement, pas des plus réussis non plus. Shun, dont nous avions déjà souligné l’état d’esprit préoccupant, continue de s’enfermer dans sa bulle, renvoyant une image d’homme mi-épuisé, mi-dépressif, complètement déconnecté de ce qui l’entoure. Quant à Mio, on le remerciera d’être là comme vecteur sociable pour nous permettre d’obtenir un semblant d’information sur Wada et sa relation passée avec Shun. L’occasion était parfaite pour développer un flashback des années lycée de ce dernier au delà de quatre ou cinq planches. Toutefois, Kii Kanna n’était manifestement pas inspirée, privilégiant des conflits d’enfants à une ouverture plus large sur le passé « amoureux » de Shun.

Passées ces retrouvailles un peu pariculières, la scénariste donne un coup de boost à la carrière de son jeune auteur, le propulsant (ainsi que Mio toujours dans son sillage) au centre de l’attention, devenant l’écrivain GAY de la région et sujet de discussion des habitants. De la même manière qu’en première partie, on ne fait qu’effleurer l’intérêt d’un sujet à fort potentiel, balayant toute opportunité d’offrir une réflexion une peu plus percutante et étayée. Même si Mio finira tout de même par trouver sa voix et exprimer son malaise face aux « on-dit » extérieurs sur son couple, on regrettera de voir la discussion tourner aussi court à cause d’un Shun toujours plus cynique et défaitiste dans sa vision de la société qui l’oppresse. Le contraste est brutal et laisse goût amer en bouche. Avec de si jolies couvertures et un titre qui respire la légèreté et la liberté, j’aimerais tellement que l’auteure choisisse de véhiculer un message d’espoir.

Enfin, inlassablement, je reviens avant de conclure sur cette insistance incompréhensible à évoquer l’hétérosexualité (imaginée) de Mio lorsque, quelques pages auparavant, on nous révèle ses problèmes fréquents de performance en compagnie de la gente féminine, à présent remplacés par une vigueur insatiable au contact de Shun… Le déni a des limites et l’amour a bon dos.

Charlie One

Commentaires (3)
  • P'tit Citron
    P'tit Citron
    Staff

    Je te comprends totalement ! Pour moi aussi, L'Etranger du Zéphyr était l'un de mes premiers yaoi.. Je le tiens dans une place si importante dans mon cœur que je n'étais pas objectif à la lecture. Mais bon, comme je l'ai dit, j'ai bonne foi... Kii Kanna fera mieux avec les prochains volumes (et nous surprendra encore avec ses autres séries qui, j'espère, sortiront bientôt en France !.... Croisons les doigts !) PS : Ce serait bien que les notes soient /20.. J'ai rencontre souvent ce genre de problème aussi :x

  • Charlie One
    Charlie One
    Staff

    Merci pour ton retour p'tit citron et je te rassure, n'y a que pour les titres vraiment mauvais que je prends plaisir à les descendre ! Pour L'étranger du Zéphyr, c'est limite si ça ne me brise pas le coeur. J'avais mis la série sur un tel piédestal dès le début (L'étranger de la plage fut l'une de mes portes d'entrée dans le Yaoi donc voilà) que la chute est lourde :( Et j'ai cogité pour la note. Au départ parti pour un 6, je me suis dit que c'était trop vu l'écart entre le T2 (auquel j'avais donné un 7) et celui-ci. Ensuite j'ai voulu donner la moyenne (une étoile supplémentaire en moins ça faisait passer le message) mais après avoir écris ma critique et laissé passer une semaine, je me suis rendu compte à quel point j'ai ressenti peu de plaisir à la lecture... Voilà, tu sais tout !

  • P'tit Citron
    P'tit Citron
    Staff

    Voyant la note, j'ai cliqué sur cette critique dans l'idée de défendre le troisième volume d'une série qui est et j'espère restera une de mes séries préférées. Seulement, après lecture, je ne peux qu'adhérer à cette argumentation... Peut être ne suis-je toujours pas d'accord avec la note, mais bien que je me couvrais d'un voile anti esprit critique, je dois admettre que ce tome n'était clairement pas à la hauteur de ses aînés... Mais bon... J'ai tout de même vraiment apprécié ma lecture, et j'ai espoir que le récit redeviendra aussi bon qu'il a pu l'être.