Retour vers le passé : La dernière femme sur Terre (1960)

 

Roger Corman, le roi du bis U.S. à la l'imposante filmographie, ne se distingue pas que par sa pingrerie légendaire. Véritable dénicheur de talent, il a mis le pied à l'étrier de futurs grands noms de la réalisation, tels que Francis Ford Coppola (Dementia 13), Martin Scorcese (Bertha Boxcar), Ron Howard (Lâchez les bolides), Joe Dante (Piranha) ou encore James Cameron (qui a débuté sur la production design de La Galaxie de la Terreur et les effets spéciaux des Mercenaires de l'Espace). 
Il a également lancé la carrière d'acteurs comme Peter Fonda, Jack Nicholson et Sylvester Stallone et servi de mentor à de nombreux scénaristes. Parmi eux, un certain Robert Towne.

En tant que script doctor, Robert Towne a peaufiné sans être crédité les scénarios de plusieurs grosses productions des années 60/70 comme Bonnie & ClydePancho VillaÀ cause d'un assassinatLe ciel peut attendre et Missouri Breaks. En tant que scénariste, il est surtout connu pour être l'auteur d'un classique du film noir, Chinatown de Roman Polanski et de sa suite The Two Jakes réalisée par Jack Nicholson lui-même. Il a également collaboré sur une série de films avec Tom Cruise (Jours de TonnerreLa FirmeMission : Impossible 1 et 2)....

Mais avant tout cela, il a appris le métier dans l'écurie Corman et son tout premier scénario porté sur grand écran fut celui de La dernière femme sur Terre.

 

 

Lorsque ce vieux roublard de Roger Corman débarque à Porto Rico en 1960, ce n'est pas pour tourner un seul film, mais deux (faut bien rentabiliser le déplacement) : le film de monstres La créature de la mer hantée et le drame post-apocalyptique La dernière femme sur Terre. Les économies étant de rigueur, les deux longs métrages ont en commun les mêmes acteurs principaux, Betsy Jones-Moreland, Antony Carbone et Robert Towne himself qui fait le comédien sous le pseudo de Edward Wain. Et comme souvent, l'affiche est provocatrice mais ne reflète pas du tout le résultat final (les deux mecs se battent bien à la fin mais sans employer d'arme blanche et la fameuse dernière femme sur Terre est nettement moins lascive et plus habillée...et quand elle l'est moins, le prude maillot de bain une pièce est de rigueur). 



Martin, un jeune avocat, se rend à Porto Rico pour y retrouver son client, le milliardaire véreux Harold Gern. Celui-ci ne se préoccupe guère de ses ennuis judiciaires et préfère passer du bon temps tout en délaissant sa jolie épouse Evelyn. Alors que le trio s'adonne aux joies d'une excursion sous-marine, l'oxygène disparaît. De retour sur la terre ferme, Martin, Harold et Evelyn découvrent qu'ils sont les dernières personnes vivantes sur Terre...

La courte durée (ainsi que son minuscule budget) de La dernière femme sur la Terre ne laisse pas la place à des développements scénaristiques importants. L'histoire ne manque donc pas de raccourcis. On ne saura jamais ce qui a causé la courte évaporation de l'oxygène sur Terre (ce qui au final n'est pas si important) ni s'il y a d'autres survivants (les trois personnages évacuant rapidement cette possibilité en quelques répliques). On voit également peu de cadavres à l'écran (trop cher) mais Corman contourne ce manque avec l'image forte du corps sans vie d'une petite fille, ce qui donne le ton et renforce la tristesse ambiante.



La priorité est ainsi donnée à l'étude psychologique d'une sorte de "micro-société" dans laquelle chacun essaye de trouver de nouveaux repères. Alors qu'il n'a toujours connu que les sommets de l'échelle sociale, le milliardaire n'a désormais plus rien, mais essaye coûte que coûte de conserver sa position de dominant. Son employé, Martin, n'a plus de raison de lui obéir et peut maintenant obtenir tout ce qu'il veut. Et celui-ci convoite Evelyn, qui cherche à s'émanciper de son mari (et par conséquent du rôle restreint de la femme dans la société..une société qui n'existe plus). Mais Harold ne compte pas la laisser faire. Le clash est inévitable...



Film emprunt d'un grand pessimisme, La Dernière Femme sur Terre est plus porté vers les dialogues que l'action pure. La seule scène d'action est d'ailleurs le règlement de comptes final. Parallèle amusant et plutôt bien vu, le métrage commence et se termine par un combat de coqs, aux enjeux très éloignés.

Bien que les moyens réduits n'aient pas permis d'étoffer l'ensemble pour lui donner plus de véracité, le scénario présente une caractérisation nuancée et emploie un ton assez sec et désabusé dans cette description d'une ambiance de fin du monde. Quelques allusions religieuses pas très fines (mais pas très étonnantes d'ailleurs quand l'héroïne se prénomme Evelyn...donc Eve en diminutif) alourdissent le climax et le rythme est tout de même très lancinant (l'ennui pointant de temps en temps le bout de son vilain nez), mais globalement ce Corman méconnu, qui démontre une fois de plus la variété (hélas pas toujours bien mise en valeur par les limites de la production) des sujets de ses réalisations, est une oeuvrette aux aspects aussi intéressants que déroutants.

Le Doc

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