POSONS NOUS 2 MINUTES : NON, LES COMICS ONT ÉVOLUÉ !

Retour sur une conférence qui m'a quelque peu dressé les cheveux sur ma tête...

 

Cet édito sera un peu particulier car c’est plus un coup de gueule qu’une réflexion personnelle...

 

Alors que j’étais au Paris Manga et Sci-Fi show, ce week end se tenait aussi le salon du livre où se réunissait quasiment tous les éditeurs de la BD. Pour cette occasion, certaines conférences assez intéressantes au programme étaient au programme. Durant ce billet, je vais revenir sur une qui a grandement retenue mon attention : « BD/COMICS/MANGA : les frontières abolies » (retransmise par Manga.tv)


Lien youtube : ici

 

Sujet au combien intéressant pour moi, le panel réunissait Ahmed Agne (éditeur de Ki-oon), Patrick Sobral, le papa des « légendaires », et VanRah qui dessine le manga français « Stray Dog » -qui aurait travaillé dans les comics aussi apparemment mais je n’arrive pas à trouver sur quelle série-. De suite, je me dis « tiens, il n’y a personne qui représente réellement les comics, je le sens mal… ». Je suis peut-être un brin trop négatif mais pourtant je ne suis pas loin de la réalité tant l’univers des comics a été stigmatisé durant cette conférence au point que je me sens obligé de répondre à cette conférence qui oublie ce que sont les comics aujourd’hui en France.

Abordons point par point ce qui me titille hautement :


Au sujet du format, « 7 :49 -> Je pars sur un exemple, sur du comics, où on a une pagination qui est très déterminée au niveau du nombre de pages, on a un format qui est parfaitement défini, on a des cases qui sont réglementairement rectangulaires, etc.  On n’a pas toute cette mise en page comme dans le manga qui est beaucoup plus libre. »


Autant le dire tout de suite : c’est très loin de la réalité. D’une part, (et je le répèterai plus tard dans cette chronique), il y a méprise avec le format manga et comics. Je m’explique : généralement les comics sont d’abord proposés dans un format type fascicule (appelé "issue" aux US) usuellement mensuel de 32 pages. Puis, dans un second temps, les chapitres sont ensuite reliés pour proposer une seconde édition dite « librairie » dans un format album plus classique.

Or il se trouve que… c’est le même principe pour le manga. Ces récits sont d’abord proposés par chapitre d’une vingtaine de pages dans un magazine puis proposés en volume relié par la suite.


Les “issues” existent exclusivement aux Etats Unis sous cette forme


En France, les mangas sont généralement proposés uniquement en volume relié, alors que les comics eux bénéficient des 2 formats (indirectement) via les kiosques et la librairie. Donc au final, la seule vraie différence est l’utilisation de la couleur qui est abordée plus tard dans la conférence (passage très intéressant d’ailleurs) et le rythme plus soutenu de parution dans le manga (ça, on y reviendra plus tard).


De même, ça fait belle lurette que le gaufrier est révolu dans les comics, aujourd’hui, les dessinateurs sont libres de faire n’importe quel type de découpages et séquencement, il suffit de voir ce que font des artistes comme JH Williams III ou Yanick Paquette pour comprendre jusqu’où peuvent aller les comics :

 

On est quand même loin du gaufrier là…


Donc non, l’image donnée est complètement décorrélée de la réalité, les artistes sont évidemment encadrés mais restent maître de leur art aussi dans les comics, surtout aujourd’hui où je trouve que nous avons une énorme palette d’artistes aux styles variés, offrant justement une vraie richesse visuelle dans notre genre de BD (d'ailleurs, des artistes comme Humberto Ramos ont des styles inspirés du manga).


Revenons sur la vidéo entre la 17ème minute et la 19ème où Ahmed Agne fait son travail de promotion du manga (et il a bien raison, ne me faites pas dire le contraire). Il explique que le manga est le produit le plus adapté à la culture actuelle avec des chapitres parus à des rythmes hebdomadaires, des galeries de personnages énormes où n’importe qui peut trouver chaussure à son pied et que c’est un carton mondial (fait avéré au sujet de ce succès). Mais, comme dit précédemment, la parution comics / manga est identique sur le principe avec une philosophie de sérial et les comics regorgent de personnages en tout genre, bien plus que les mangas. Je ne suis pas convaincu qu’on puisse juger le succès du manga juste sur ces 2 aspects. D’ailleurs, des séries TV live comme Walking Dead reprennent purement le concept de leurs propres comics avec des cliffhangers semblants au matériel. On ne peut pas faire plus proche si ?

 

Ce n’est pas Robert qui dirait le contraire...


Je pense qu’il faut surtout admirer la puissance commerciale des mangas qui reste un produit simple d’accès et distribuer sur tous les médias, les rendant plus accessibles à tout le monde. Par exemple, avec “One piece”, vous avez l’anime et les films qui accompagnent le manga qui ne reste qu’une seule série (et donc facile à commencer), alors quand en plus ce dernier est excellent, ça ne peut que cartonner.


Enfin, on arrive sur le moment où j’ai été le plus hérissé à partir de la 33ème minute où on parle des comics sur plusieurs aspects :

D’une part, on nous explique qu’il est difficile de s’identifier aux personnages dans les comics. C’est pas comme si il y avait des sidekicks (personnage qui accompagne les héros pour la plupart du temps jeune, permettant justement à un jeune lecteur de s’identifier à ce dernier) dans les comics qui ont par la même grandi avec le lecteur (aujourd’hui, par exemple, le tout  premier Robin - Dick Grayson -  est adulte et s’est émancipé comme un héros adulte exactement comme les autres).


Un de mes personnages préférés pour les raisons évoquées précédemment

 

Puis, on nous parle du problème d’accessibilité des comics, passage qui est loin d’être faux d’ailleurs, mais il n’est abordé que l’édition américaine et surtout uniquement la BD de super héros principalement Marvel / DC !

Et c’est là que le bât blesse car les comics en France sont dominés par… Walking Dead, une série indépendante qui surplombe à elle seule quasiment tout le marché comics dans nos contrées. Et voilà ce qui me pose problème aujourd'hui :

Les comics ne sont pas que du super héros.

C’est juste avec cette idée que le sujet de la conférence aurait été bien plus abordé dans cette conférence car on y trouve des oeuvres faciles d’accès (car non partagées dans un quelconque univers), des oeuvres qui peuvent aborder tous les thèmes et peuvent être accessibles à tous dotés de genres divers. Dans ce sens, je trouve que ces comics et certains mangas ont pas mal de point commun, prenons une oeuvre comme Tokyo Ghost, qui aborde des thèmes maintes fois abordés (notamment dans Ghost in the Shell) et qui reprend des visuels japonais et manga. De même, ces comics indépendants peuvent être abordés comme n’importe quelle BD franco belge. Rien qu’avec ces éléments, il y a matière à débattre.


Et il y a à boire et à manger !


Enfin bref, bien que le marché des comics soit bien une niche, n’oublions pas que ce dernier est passé de 3% de part du marché BD, il y a quelques temps, à 10% aujourd’hui ce qui n’est pas anodin.


Derrière tout ça, je regrette l’absence d’un acteur des comics. Il aurait été bon de voir un éditeur ou autre sur ce panel (je ne doute pas que le salon ait essayé de contacter Thierry Mornet -Delcourt-, François Hercouët -Urban comics - ou autres avec apparemment une réponse négative pour des raisons surement justifiées) qui aurait permis de défendre le travail des éditeurs de comics français qui se révèle de très grande qualité aujourd’hui pour rendre accessible un grand nombre de comics Marvel, DC et autres BD indépendantes. Mais ce panel ne leur fait pas honneur. C’est rageant.

Du coup, si vous êtes intéressés à découvrir ces éditeurs de comics VF, je vous invite à découvrir le panel du même salon dédié exclusivement à ces derniers qui en disent un peu plus sur leurs publications et leur démarche de publication de tels univers et s’avère… un peu plus exact et réaliste...

 


Pour finir sur cette conférence, si nous occultons la partie comics, elle se révèle tout de même intéressante où nous apprenons pas mal d’informations sur l’univers des mangas et les auteurs qui souhaitent en faire en France ou à l’étranger. Donc amateur de mangas, n’hésitez pas à y jeter un oeil tout en se méfiant des informations sur les comics ! Cessons de stigmatiser ce genre qui est devenu bien plus que de la vulgaire BD de consommation.

Publiée le 01.04.2017 10:30:00