Viens Dans Mon Comic Strip : Tous des pantins !

Focus sur une oeuvre dédiée au film "Dark crystal"

DARK CRYSTAL

Tous des pantins !

 

Récemment, la co-rédaction de Nos Années Temps X, avec Jérôme Wybon, m’a amené à revoir des films des années 1980. Et, le cas échéant, à relire l’éventuelle adaptation en bande dessinée qui aurait eu le bon goût de franchir l’Atlantique. Ce qui est le cas de Dark Crystal.

 

Le long métrage fantasy de Jim Henson ne fait pas partie des films qui m’ont durablement marqué, ni de ceux qui m’ont particulièrement plu. Il ne fait pas non plus partie des films que j’aurais préféré ne jamais revoir. Il est longtemps resté cantonné au grand sac un peu fourre-tout des films datés, nappés du lustre des ans, une épaisse couche de poussière qui ternit toujours un peu les choses, même les plus brillantes.

Dire de Dark Crystal que c’est un film lent, c’est un euphémisme. La structure de quête, qui passe par une longue marche à travers des décors variés et foisonnants, n’est pas le truc le plus à même de secouer l’attention des spectateurs. Le parti pris de Jim Henson et Frank Oz (et de Garry Kurtz leur producteur) de tourner le film avec uniquement des marionnettes réduit quelque peu les possibilités : les pantins sont moins souples et moins rapides que des acteurs, et la caméra est obligée d’éviter tous les angles qui risqueraient de dévoiler les coulisses où s’agitent des troupeaux d’animateurs. Certains plans indiquent la triche, des acteurs revêtant les costumes des personnages afin d’être filmés de loin.

Plus impressionnant en marionnette ?

Petite prouesse visuelle (les décors denses restituent les recherches visuelles de Brian Froud), Dark Crystal s’articule autour d’une histoire somme toute assez simple : sur un monde déchirés par une lutte de pouvoir et par l’opposition entre une race pacifiste et une race despotique, deux héros doivent répondre aux exigences d’une prophétie. Là aussi, plus soporifique, tu meurs. C’est d’un classique échevelé. Mais bon, c’est tellement joli que ça passe très bien.

En comparaison, l’adaptation en bande dessinée, proposée par Marvel, fait figure de course frénétique. Les personnages sont gracieux et expressifs, ils courent et sautent et bondissent en montrant leurs pieds, ce qui ajoute au dynamisme des poses (les pieds, chez des marionnettes, c’est souvent le truc caché dans les hautes herbes).

Dans la version qu’en propose Lug au premier trimestre 1983, on apprend que le scénario est dû à David Anthony Kraft, scénariste méconnu pourtant auteur de très bons épisodes de Defenders. Le dessin est assuré par Bret Blevins, qui fournit également la peinture du Marvel Super Special #24 (réédité l’année suivante sous forme de deux comics), dont cet album français est l’adaptation. En France, l’histoire est ornée d’une couverture peinte due au talent de Jean Frisano. Les crédits français précisent que l’encrage est du ressort de Vince Colletta et de Richard Howell. En grattant un peu, on découvre bien vite que Howell, avec Rick Bryant, s’est chargé des décors. On en conclut que Colletta a supervisé l’encrage et que Blevins n’aurait fait que les personnages (mais quels personnages, sous son crayon). Les couleurs restent un mystère. Blevins ayant peint la couverture du Marvel Super Special, s’est-il également chargé de celles des pages intérieures ?

 

Chez Lug, l’album entérine la création de la collection Top BD, qui accueillera, entre autres perles, La Mort de Captain Marvel, dont les fidèles de cette rubrique se souviennent avec des yeux embués d’émotion et des trémolos dans la voix.

Le scénario de Kraft suit assez fidèlement celui du film. Sortie largement après le long métrage, la bande dessinée a profité de ce décalage, et l’on n’observe pas, comme parfois dans d’autres productions publiées plus tôt par rapport au film, de séquences coupées au montage ou de dialogues plus bavards dans la bande dessinée. Au contraire, celle-ci colle assez bien au déroulé du film, certaines péripéties étant reprises au plan près. Quant à la version française, elle semble bien documentée, s’appuyant sans doute sur un dossier de presse touffu, et les noms des personnages et des enjeux sont en gros respectés, sans couac.

L’exercice, bien entendu, est souvent ingrat, et si Blevins peut se permettre quelques grandes cases, le récit conserve ce caractère elliptique propre aux adaptations. Reste un récit agréable, avec peut-être un peu plus d’humour que dans le film, et une ambiance graphique des plus plaisantes, le travail sur les décors rendant compte de l’ambition prolifique du film. On reprochera peut-être des couleurs trop sombres, mais là aussi le travail demeure soigné, loin des aplats de règle à cette époque.

Bref, un petit plaisir qui se relit avec aisance et grâce. Et les plaisirs, c’est bien connu, on les partage. 

 

Publiée le 22.10.2015 13:20:00