Critique L'Enfant et le Maudit 2

Le tome 1 avait suscité mon intérêt, un coup de cœur et du souci. Je refermais le livre sur une note pas rassurante, comme le début d’un mauvais rêve. Ce numéro 2 me plonge dans un cauchemar éveillé et renouvelle mon approbation.

Les yeux grands ouverts, on retrouve Sheeva victime d’une créature qui n’a pas l’air de lui vouloir du bien. Le Professeur témoin de la scène et figé sur le seuil de la chambre, est terrifié une seconde brève avant de passer à l’action pour lui venir en aide. Le lecteur assiste à un combat digne du petit chaperon rouge quand le bucheron fait face au loup. Les pages noircies d’encre créent un sentiment d’angoisse dans le cœur du lecteur, accentuée par la détresse malheureuse de notre jeune aventurière éternellement vêtue de ses robes blanches synonymes de lumière. Un contraste saisissant qui m’a mise mal à l’aise. Particulièrement quand le Maudit empoigne une hache pour en finir.

Le noir omniprésent censure les taches de sang, pourtant j’ai eu l’impression que le papier était recouvert de rouge tel un buvard qui aurait soudain absorbé les traces d’un crime. Les cases s’accélèrent, les yeux en émoi ne savent plus se fermer et on attend à bout de souffle que quelqu’un nous réveille. Quel soulagement quand enfin le chapitre se termine.

« J’ai trouvé une âme magnifique, vierge de la malédiction… Maman »

La suite, ouvre la porte d’une quête. Un indice probant pour guérir la malédiction. Sheeva et son gardien poursuivent leur assaillant qui intrigue. Celui-ci, raccourci d’une tête emploie des métaphores qui titillent notre curiosité. L’auteur, désormais, nous tient. On en veut plus et on s’attarde sur chaque détail pour comprendre ce monde presqu’irréel dans lequel nous flottons au fil des pages. Les paysages continûment funestes oppressent. Les arbres déjà pas amicaux perdent leur feuillage et plus notre duo s’enfonce dans la forêt, plus la mort semble leur coller à la peau et à la nôtre par la même occasion. On rencontre d’autres créatures, à quatre pattes qui parlent et pensent comme n’importe quel être humain. On notera tout de même à ce moment qu’une fois de plus ces êtres ne sont répertoriés dans aucune de nos encyclopédies. Comme si tous les animaux de la forêt avaient fusionné en une entité unique pour ensuite semer aux quatre vents de nouvelles graines. Une fois écloses, aucune n’est identique et aucune n’est d’origine connue. Un phantasme de notre imaginaire qui une fois de plus nous renvoie au rêve.

Une discussion privée entre le Maudit et ce groupe d’inconnus se déroule à l’abri des regards. L’auteur nous transporte dans un lieu tout mystérieux qui à la fois attire et rebute. Des questions sont posées, des réponses sont données, pour autant à l’instar du Maudit, nous sommes perdus. On croit détenir la solution, on tend la main pour l’attraper mais celle-ci s’éloigne et devient encore plus inaccessible. Puis, la peur.

Le Maudit est possédé par la peur du début à la fin de ce tome. Perclus dans ses sombres pensées, il ne cesse de douter quand son esprit cherche désespérément le remède ultime.

« Sheeva a pris mon inquiétude pour de la souffrance »

Heureusement, il reste un coin de lumière dans ce monde obscur. L’innocence d’une petite fille qui par sa simple présence procure un sentiment de sécurité tel un feu de cheminée. Ça et leur maison perdue au milieu de nulle part. D’ailleurs, il est frappant de constater que la vie ne semble reprendre son cours que lorsque Sheeva et le Maudit sont de retour dans leur chaumière. Quand le vide encadre tout, une fois à l’intérieur, un vrai élan de chaleur réchauffe les cœurs. Les habitudes du quotidien ravivent une sorte de « normalité » ou plus exactement un point d’ancrage solide et sécurisant sur lequel on peut compter quand tout va mal. On apprécie regarder Sheeva recoudre un vêtement ou le Maudit faire la cuisine. C’est réconfortant et plus proche de la réalité.

Je suis pour ma part rassurée par la tournure des évènements. On décèle clairement la maîtrise de l’auteur pour son histoire. Il tient fermement son fil rouge à bout de bras et s’étire à loisir pour embrouiller son lectorat et l’amener vers le port de son choix. J’aime ça. J’aime me faire balader très lentement dans un univers où j’ai conscience que je peux faire confiance au capitaine. NAGABE n’est pas qu’un dessinateur de talent, c’est un conteur qui sait raconter les histoires. Une belle histoire se profile à l’horizon qu’on aurait tort de ne pas lire.

KssioP

Continuellement l'esprit ouvert, je n'exclue aucun genre si ce n'est peut-être le genre guimauve ou Arlequin. J'aime cependant ce qui est différent, ce qui surprend. Rêveuse dans l'âme et aventurière chevronnée avec une manette en main, ma table de chevet se couvre de mangas, de romans, de cd's et d'une feuille de papier. Et bien souvent aussi d'un biscuit accompagné d'un thé car lire c'est certes bien mais avec confort et gourmandise c'est juste parfait.
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