Chronique série : Double Je

L’heure de la confirmation ?

Après le diptyque engagé « Daisy, Lycéennes à Fukushima », Reiko Momochi revient chez Akata avec un shôjo en 5 volumes, Double Je. Le succès, tant critique que populaire, de la première œuvre de l’auteur dans l’hexagone crée une attente toute particulière autour de ce titre, publié au Japon 4 ans avant Daisy. L’auteur va-t-elle réussir à se positionner comme une référence avec cette seconde série ? 

Après Daisy, Reiko Momochi continue de tordre le cou à la légende qui veut qu’un shôjo narre une histoire de romance collégienne ou lycéenne (un cliché qui a la vie dure, très dure). Les thèmes abordés par l’auteur dans cette série ne sont pas habituels et le contenu sera très loin de vous faire sourire : le récit raconte le, ou plutôt les drames vécus par une famille que rien ne va épargner. Nobara et Kotori sont des jumelles que beaucoup de choses opposent. Leur vie bascule le jour où Nobara, manquant de se noyer, provoque involontairement un accident qui bouleversa son existence et celle de sa famille. Pas plus de détails sur le contenu de l’œuvre, les diverses « surprises » qui la constitue méritant d’être découvertes à la lecture.

 

Nous sommes des sœurs jumelles…

Mais parler du titre va forcément impliquer de donner quelques indices sur le contenu. Ceux ne souhaitant pas du tout en savoir plus peuvent donc passer leur chemin maintenant, même si aucun élément central de l’intrigue ne sera révélé. Reiko Momochi va aborder durant ces 5 volumes plusieurs thèmes durs, peu traités par ailleurs et qui, additionnés entre eux, vont maintenir une ambiance pesante sur le titre : le deuil, la culpabilité, la vengeance, le viol, le suicide, la peine de mort, le système judiciaire japonais… Un ensemble qui, au final, ressemble à un plaidoyer pour une réforme profonde de la justice japonaise, en cours lorsque le titre est sorti au Japon (en 2008, avec notamment la mise en place de jurés populaires pour les crimes passant devant les assises), qui semble vouloir offrir plus de protection aux assassins qu’aux familles des victimes. La lecture ne se fait donc pas de manière automatique puisqu’elle implique une réelle réflexion de la part du lecteur, qui est amené à se demander comment lui réagirait en étant dans la situation des personnages de Double Je.

 

Nées sous le signe… de la poisse ! 

Tout ça, c’est le fond. Mais la forme est aussi une force du récit de Reiko Momochi car les multiples rebondissements du titre sont très difficilement prévisibles. L’auteur s’amuse à nous embrouiller, à nous faire croire que l’on approche de la vérité pour nous en éloigner un peu plus puis, de nouveau, nous la faire toucher du bout des doigts. Quant aux personnages, la volonté de notre héroïne inspire le respect, même si, parfois, il est difficile de se sentir totalement derrière elle dans ses choix et décisions. Une chose est néanmoins certaine : difficile de lâcher la lecture tant tout s’enchaîne rapidement et avec une réelle fluidité. Le titre se lit donc d’une traite, ce qui est toujours un gage de qualité. Pour ce qui est du graphisme, il est très typé shôjo, avec les fameux grands yeux qui sont pour beaucoup la caractéristique principale du dessin manga. La mangaka proposera un graphisme légèrement différent quelques années plus tard dans Daisy mais le style reste globalement le même. Il n’y a donc pas d’originalité à chercher de ce côté, mais le reste de l’œuvre compense très largement ce « manque ». On notera une particularité de la série : les tomes ne font que 160 pages environ, ce qui est un peu moins que la moyenne habituelle, plutôt aux alentours de 180. Rien de bien grave puisque cela ne se ressent pas du tout à la lecture, chaque volume étant dense en informations.

ivan isaak

Passionné de mangas, lecteur de Jules Verne, David Gibbins et Stephen King.
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