L'arrivée du manga numérique n'est pas pour cette année

La conférence Manga numérique : un modèle exportable ? du 31e Salon du livre de Paris

Les interrogations sur le numérique prennent de plus en plus de place au Salon du livre et c'est tout naturellement que les acteurs du monde du manga ont proposé d'explorer les problématiques qui y sont liées dans leur secteur.

Une table ronde qui a eu lieu vendredi en fin d'après-midi se penchait sur cette question « Manga numérique : un modèle exportable ? ». Il était donc question de savoir si l'on pouvait reprendre les modèles japonais en France et comment. La table ronde était animée par Benoît Berthou de l'université Paris 13 et les intervenants étaient Xavier Guilbert (rédacteur en chef du site du9.org), Alain Kahn (directeur général des éditions Pika) et Raphaël Pennes (directeur général des éditions Kazé Manga et Asuka).

De l'internet mobile

Deux innovations doivent être au centre de la réflexion : la mobilité (lecture sur téléphones portables) et l'hybridation (avec de l'animation et du son). Le tout étant de savoir s'il est pertinent de les transposer en France.

Xavier Guilbert a indiqué qu'il faut savoir qu'au Japon l'usage de l'internet mobile (iMod) s'est développé plus vite que l'usage de l'internet domestique. Le téléphone portable était le mode d'accès à internet privilégié des Japonais. Alain Kahn  a  tout de même précisé que les ventes de manga par téléphones portables ne représentent que 5 % des ventes totales de manga au Japon. Il a estimé que ce modèle n'est plus exportable en France (notamment à cause de l'arrivée des smartphones et des tablettes). De plus, cela demandait un gros travail d'adaptation des planches pour qu'elles puissent être lues sur petit écran dans un mode case par case.

À ce propos, Raphaël Pennes a rappelé qu'en France, Bouygues avait importé l'iMod et par extension ce type d'e-manga et que cela n'avait pas du tout fonctionné, notamment parce que le marché du manga numérique était trop jeune.

Selon Alain Kahn, maintenant le modèle est différent, la technologie et les écrans plus grands permettent de se balader de case en case dans une pleine page. Bien évidemment, c'est une solution qui est plus adaptée à la lecture sur tablette que sur smartphone. Le problème étant que la tablette qui domine le marché est un produit relativement cher et donc pas forcement adapté aux moyens financiers des lecteurs de manga.

L'importance des différences entre les pays

Pour sa part, Raphaël Pennes a retenu trois points clés pour l'arrivée du manga numérique en Europe : la prise en compte des grandes différences qui existent au niveau des équipements dans les différents pays, la prise en compte des différentes habitudes de consommation et ne pas oublier que les consommateurs de manga numérique ne sont pas forcément les consommateurs de manga papier. Un dernier point qu'Alain Kahn a précisé en indiquant que l'obstacle du prix élevé des tablettes et des smartphones fait que ceux qui liront sur ces appareils seront certainement des personnes plus âgées et plus établies financièrement.

Toujours dans cette problématique des appareils de lecture, Raphaël Pennes a estimé qu'il n'existe pas encore un outil de lecture qui puisse permettre une transposition du manga papier en numérique suffisamment satisfaisante (avec par exemple, la possibilité de feuilleter rapidement un ouvrage, de commencer par la fin, le début, le milieu...).

En ce moment, les éditeurs japonais réfléchissent à comment bien faire du manga numérique et surtout massivement. Ils n'ont pas encore trouvé la solution et selon Raphaël Pennes (rappelons ici que Kazé appartient au groupe Shueisha et Shogakukan) ça ne sera pas pour cette année, c'est sûr. De son côté, Xavier Guilbert a rappelé les initiatives numériques des mangaka Shuho Sato et de Ken Akamatsu ajoutant qu'il y a véritablement une recherche au niveau du modèle économique numérique au Japon mais que pour l'instant rien de satisfaisant n'a encore était trouvé.

Selon Raphaël Pennes deux solutions sont envisagées soit, on créé une adaptation numérique de l'oeuvre soit on trouve des outils qui permettent une transposition directe. Il faudrait aussi se pencher sur la numérisation pour le net domestique. Une réflexion que mène Kazé Manga en ce moment.

Les éditeurs français indispensables ?

En ce qui concerne le marché numérique français (tous livres confondus) plus précisément, Alain Kahn a affirmé qu'il est négligeable moins de 1 % du total du marché, probablement proche de 0,5 %. Quant à Xavier Guilbert, il s'est enthousiasmé pour les innovations que pourrait permettre le numérique comme la possibilité de lire dans le sens de lecture japonais ou le sens de lecture occidental, rester en noir et blanc ou passer en couleur...

Le dernier point abordé a été la place des éditeurs français dans ce processus. En effet, ceux-ci ne peuventrien faire tant que les Japonais n'auront pas décidé de la marche à suivre mais ne risquent-ils pas d'être laissés sur le côté (On a par exemple déjà vu Square Enix se lancer tout seul en France sur ce marché). De l'avis général, il ne serait pas pertinent de les oublier. Raphaël Pennes a ajouté que l'on avait bien vu que vendre du manga numérique sans maison d'édition ne fonctionne pas (cf iMod). Ainsi, il ne voyait pas comment les éditeurs japonais pourraient se passer des éditeurs français (qui possède notamment un savoir-faire et une connaissance du marché). Et pour Alain Kahn, il n'y a pas de raison que les maisons d'édition ne s'adaptent pas au numérique.

Mariog

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