Focus Sur : Dorohedoro

Découvrez cette série qui mérite vraiment que l'on s'intéresse à elle!

 

S’il y a bien un manga dans notre contrée que l’on peut qualifier d’ovni, c’est bel et bien Dorohedoro. Ce titre signé Q-Hayashida paraît, au premier abord, bizarre, crade et gore, le tout mélangé dans un monde trash où y règne un grand n’importe quoi.

C’est un fait, et pourtant…


 

DOROHEDORO (?????)

Auteur : HAYASHIDA Q

Nombre de volumes : 15 au Japon - Série en cours - 9 en France
Editeur Original : Shogakukan
Magazine de prépublication : Ikki
Année de création : 2003
Editeur Français : Soleil Manga
Prix d'un tome : 11.95€

 

 © 2002 Hayashida-Q. All rights reserved


 

 

L’histoire nous transporte dans un monde post-apocalyptique partagé en deux dimensions : celle des humains et celle des mages, qui ont la particularité de porter des masques et de pouvoir faire jaillir de la fumée, source de leur magie, par l’index. Cette fumée a des effets différents selon les individus.

Du côté des humains, nous suivons les aventures de Caïman, un humain devenu amnésique et dont la tête a été changée en celle d'un reptile par un mage dont il essaye de retrouver la trace en même temps que les bribes de son propre passé afin de savoir qui il est réellement.

Ne sachant rien de sa vie antérieure ni du responsable de son état, Caïman traque tous les mages traînant dans la ville de Hole avec son amie Nikaidô.

Chaque mage attrapé, généralement par la force, est soumis à un petit rituel : Caïman met la tête du malheureux dans sa gueule où un autre homme (on ne sait pas non plus qui c'est ni comment il est arrivé là) apparaît afin de voir s'il le reconnaît, car il semble que ce soit là la seule piste de Caïman pour rechercher le responsable. Mais hélas, l'homme en question n'a encore jamais prononcé qu'une seule phrase après avoir examiné tous ces mages combattus par notre héros reptilien : "ce n'est pas lui".

Pourquoi Caïman a-t-il une tête de lézard ? Qui en est le responsable ? Qui est-il lui-même et qui est le type au fond de sa gueule ? C’est pour avoir réponse à ces questions que Caïman traquera sans relâche les mages venus à Hole pour s'entraîner sur de simples humains sans pouvoirs. Il est prêt à tout dans sa recherche d'indices, même à s’aventurer sur leur territoire mages…

Enfin, du côté des mages, nous suivrons les péripéties d’un mafieux nommé En et de sa « famille ». Les meurtres perpétrés sur les siens par un certain homme à tête de lézard le perturbent de plus en plus puisqu'ils entravent ses différents trafics en empêchant les mages d'aller s’entraîner sur leurs cobayes que sont les pauvres habitants de Hole.


 

 

PRESENTATION DES PERSONNAGES

CAÏMAN

Ce grand gaillard à tête de reptile, amateur de gyozas, ne sait rien de son identité ni de sa vie antérieure. Avec l’aide de son amie Nikaidô et de ses couteaux, il massacre tous les mages sur son passage afin de trouver son bourreau. De plus, il est étrangement insensible à la magie des mages.


 

NIKAIDÔ

Cette jeune femme, propriétaire du restaurant « Hungry Bug », a accueilli Caïman après sa perte de mémoire. On ne sait que très peu de chose à son sujet, mais une chose est sûre : ses aptitudes au combat et ses origines nous cachent sûrement un lourd secret.


 

EN

Ce parrain richissime est l’un des mages les plus respectés parmi les siens. Il mettra des bâtons dans les roues à Caïman en dirigeant sa famille d’une main de fer. Il a le chic pour s’entourer de mages possédant les pouvoirs les plus rares et puissants.

Il est obnubilé par les champignons, qui sont également la base de sa magie : En peut transformer tout ce qu’il veut en champignon.


 

SHIN

Shin est le partenaire de Noi, et ce depuis qu'En l’a recruté en tant que nettoyeur. De nature calme et posée, Shin a tendance à se transformer en monstre sanguinaire lorsqu’ il enfile son masque de mage. Son marteau lui sert à dépecer ses victimes, qu’il garde parfois en vie grâce à sa magie.


 
 

NOI

Dotée d’une force hors du commun, Noi nourrit un amour fraternel et même ambigu envers Shin. Sa magie est très rare : c’est celle de la guérison. Il ne lui faut point d’arme pour combattre : d’une stature très imposante, elle fait preuve d’une violence inouïe allant jusqu’à massacrer ses ennemis à mains nues.


 

RISU

Personnage clé, Risu semble avoir été en étroite relation avec Caïman avec qui il partage certains points communs comme les tatouages en forme de croix que tous les deux ont autour des yeux. La tête de l'homme au fond de la gueule de Caïman lui ressemble étrangement.


 

PROFESSEUR KASUKABE

Ce spécialiste dans l’étude des mages permettra entre autres à Caïman et Nikaidô de se rendre dans le monde des mages. Plutôt frêle physiquement, Kasukabe est protégé par Jonson, son cafard de compagnie. Ses grandes connaissances seront une aide précieuse pour Caïman et Nikaidô.


 

CHÔTA

Ce mage excentrique a, autrefois, été le partenaire d'En. Malgré le refus catégorique de ce dernier de former à nouveau un duo avec lui, Chôta essaie par tous les moyens de reformer cette équipe. Sa magie, très rare, consiste à annuler tout sort magique et toute malédiction.


 

FUJITA

Après avoir vu son coéquipier se faire tuer sous ses yeux par Caïman, Fujita cherche à le venger. Malheureusement ce sous-fifre d'En ne brille pas par son courage ni par ses capacités… Chargé par En de retrouver le mage qui a transformé Caïman, Fujita se mettra dans les pires situations, qui seront toutes aussi comiques les unes que les autres.


 

EBISU

Ebisu, par un malheureux concours de circonstance, se fera sauver par Fujita. Initialement la cible d'En pour son aptitude à transformer ce qu’elle touche en reptile, elle finira comme partenaire de Fujita. Le duo comique du manga en verra de toutes les couleurs pour notre plus grand bonheur !


 

JONSON

Jonson est un personnage relativement drôle. Ce cafard géant est contrôlé par le professeur Kasukabe à l’aide d’ultrasons. Son vocabulaire se limite pour le moment à « diantre », ce qui rend la plupart de ses interventions, qui tombent toujours à pic, assez amusantes.

 


 

LES DEUX MONDES DE DOROHEDORO

Le monde de Dorohedoro est divisé en deux dimensions : celle des humains et celle des mages. Cette structure est largement comparable à celle qu'il y a dans Gunnm, c'est-à-dire que le monde des mages, propre et structuré, s’apparente à Zalem, alors que celui des humains est semblable à la Décharge puisqu'il s'agit d'un immonde bordel où pullulent des mutants et des voyous de la pire espèce.

Le monde des humains est représenté par la ville de Hole, une mégalopole transpirant la crasse et le banditisme, dont l’infrastructure des bâtiments nous montre combien les gens y sont entassés et vivent de manière misérable. Une ville-décharge où règnent la misère et l’anarchie est un parfait terrain de jeu pour nos mages. En effet, ils y viennent pour expérimenter leurs pouvoirs sur leurs cobayes, les humains, qui finissent soit en mutants, soit en cadavres.

Hole est totalement dénuée d’organisation, ce sont les habitants de la ville qui la gèrent. Ainsi, une fois par an, la ville sombre totalement dans le chaos, que gèrent les bonzes locaux en recrutant eux-mêmes des exterminateurs.

Ce chaos est dû aux particules de fumée des mages qui s’accumulent dans les nuages, générant ainsi des distorsions improbables. De ce fait, tous les cadavres des humains tués par les mages sortent de leur tombe et attaquent les vivants.

Bien qu’une milice anti-mages existait auparavant, elle a été détruite, laissant les habitants de Hole livrés à eux-mêmes et sans défense face aux mages.

Le chaos de ce monde est très bien retranscrit.


 

L’autre monde, celui des mages, est un monde plutôt structuré et semble dirigé par les diables.

Les diables fournissent aux mages leurs masques personnalisés et sont détenteurs de grands pouvoirs. Le monde des mages semble moins impitoyable que celui des hommes. Chaque mage ayant une magie différente, les habitants n’ont aucun mal à trouver du travail puisque chaque pouvoir prédestine son possesseur à certaines tâches en particulier. On retrouve tout de même deux catégories de mages qui sortent du lot : ceux qui peinent à produire de la fumée et qui sont donc mis au rebut et vivent de trafic, et les mages plus puissants qui ont l’appui des diables.

Si Risu fait partie de la première catégorie, il en va autrement pour En qui est le plus grand mafieux de son monde… Le contraste est saisissant : l’un habite un petit appartement miteux, l’autre est propriétaire d’un immense manoir au sein d’une propriété gigantesque.


  

 

TRASH… MAIS SUBTIL

Le principal intérêt de Dorohedoro réside dans son non-sens, dans son absence totale de philosophie, dans son humour carrément décalé à mi-chemin entre le « bon » mauvais goût et le totalement burlesque.

La mort est un thème abordé à chaque page, mais traité avec tellement de légèreté qu’aucun malaise ne se fait ressentir. Ainsi, par exemple, on pourra voir Shin décapiter un malheureux avec son marteau… avant de le voir retourner à ses activités banales avec un grand sourire.

Extrêmement violente, l’œuvre d’Hayashida nous transporte dans un monde où la loi du plus fort est reine. Il est courant de voir des bras voler, des boyaux dégouliner, des corps éventrés ou des têtes décapitées. Mais tout cela se fait (presque) toujours dans la joie et la bonne humeur, d’autant plus que ces actes ne sont pas considérés par Shin et Noi comme de la sale besogne, mais plutôt comme une bonne partie de rigolade lors de laquelle ils jouent souvent à celui qui en tuera le plus…

L’environnement dans lequel évoluent nos héros, trash à souhait, fourmille de détails. Ainsi, la saleté de Hole contraste très nettement avec le monde des mages, plus chic, plus tendance. Le chara-design est d’ailleurs très bien adapté. Ainsi, nous verrons, par exemple, un mage habillé en costard, plutôt calme et poli dans son monde, mais dès son arrivée à Hole, on le verra enfiler son masque et se métamorphoser en bête sanguinaire prise de frénésie, rentrant chez lui ensanglanté, le costard en lambeaux… et bien sûr, le sourire aux lèvres pour aller manger une glace.

L’auteure a bien travaillé son atmosphère : Dorohedoro est trash mais ne tombe pas dans l’horreur, est drôle sans jamais devenir lourd, et possède un scénario qui se complexifie progressivement sans jamais tourner à du n’importe quoi.

Si de prime abord tout semble fouillis, à la lecture des tomes tout s’emboîte parfaitement et rien ne nous échappe. L’auteure donne libre cours à son imagination, nous présentant des mages aux pouvoirs souvent farfelus et se défoulant lors de scènes barbares. Pourtant, derrière ce tableau trash se cache cette subtilité qui fait que jamais nous ne nous lassons, que ça soit dans l’intrigue au suspense soutenu ou dans l’humour tantôt gras, tantôt trash, tantôt plus fin.

Concernant le scénario en lui-même, a priori plutôt simpliste (chasse aux mages d’un côté, chasse au lézard de l’autre), il se montre très rapidement complexe.

La galerie des personnages s’agrandit très rapidement et la plupart de ceux-ci deviendront récurrents et auront généralement un lien plus ou moins profond avec l’histoire.

Ainsi, d’autres questions viendront à se poser, entraînant toujours plus de suspense. De plus, il est toujours très plaisant de voir apparaître de nouveaux mages étant donné la grande diversité dont l'auteure a su faire preuve dans leurs différents pouvoirs.

Tôt ou tard, chacun des protagonistes aura un secret à nous dévoiler ou une partie de son passé à nous confier. Même les personnages secondaires sont donc bien travaillés : chacun possède sa propre personnalité, sont propre style.

Dorohedoro se révèle farfelu dans la forme mais très travaillé dans le fond.


 

UN DESSIN TRES PARTICULIER

Mettons les choses au clair tout de suite : le graphisme de Dorohedoro, très particulier, ne plaira pas à tout le monde.

A l’instar de son scénario, le dessin est des plus atypique, et même unique en son genre. On ne peut cependant que reconnaître qu’il colle parfaitement au monde qui nous y est présenté, contribuant pour beaucoup à l’ambiance qui s’en dégage.

Tantôt brouillon, presque esquissé, tantôt clair et lisible, le dessin retranscrit au mieux la saleté qui encrasse Hole et les scènes sanguinolentes ; bref, le côté trash de l’œuvre.

La progression du graphisme en termes de qualité est assez flagrante, notamment vis-à-vis de Caïman qui devient assez vite plus expressif et plus « humain » que reptile.

Graphiquement, le pari est gagné haut la main et l'ensemble se montre très concluant.



 

CONCLUSION

Qu’on le mette dans le bon ou, plus rarement, dans le mauvais, Dorohedoro ne laisse pas indifférent.

Entre son scénario recherché, son humour absurde et son graphisme atypique, Dorohedoro a de quoi séduire même les lecteurs les plus difficiles. Servi par une édition exemplaire (à quelques détails près) et avec des jaquettes en relief du meilleur effet sur les deux premier tomes, ainsi que quelques pages couleurs, Dorohedoro se teinte de noir sur deux points. D'une part, son prix est un peu au-dessus de la moyenne (précisons toutefois qu'il s'agit d'un manga grand format), et d'autre part, la série a rythme de parution plutôt lent.

Mais ces détails s'oublient bien vite devant l'alchimie si particulière de Dorohedoro qui ne saurait vous laisser de marbre. Au contraire, un risque important d'addiction est à prévoir : l’essayer, c’est l’adopter !

 

 

Boune

Den d Ice

Manga, tarot, astronomie, cinéma asiat, cuisine, astrologie, décoration, moto,
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